La pianiste lituanienne Mūza Rubackytė : "L'occupation soviétique nous a totalement rayés de la carte pendant 50 ans"

La culture lituanienne est à l'honneur en France jusqu'en décembre. L'occasion de dialoguer avec la pianiste internationale Mūza Rubackytė.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
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Temps de lecture : 5 min
La pianiste lituanienne Mūza Rubackytė est en concert en tournée en France. (CHRISTINE DE LANOË)

La Lituanie compte un peu moins de 3 millions d'habitants. C'est un État balte. On profite de la mise en avant de la culture lituanienne en France pour découvrir ce pays, grâce à la pianiste Mūza Rubackytė.

franceinfo : Vous revendiquez, en Lituanie, être un pays païen. Cela signifie quoi ?

Mūza Rubackytė : C'est vrai, c'est notre caractère, parce qu'on a été le dernier pays païen de l'Europe puisqu'on a été conquis au XIIIᵉ siècle. Par païen, j'entends une adoration de la nature, le lien avec ses racines qui nous nourrissent jusqu'à maintenant. D'où le chant choral, la peinture, le cinéma lituanien et les 100 ans de Fête de la chanson qu'on a célébrés cette année avec des milliers de personnes pendant une semaine, défilant dans les rues, chez nous.

Et vous êtes, à travers votre œuvre, l'ambassadrice de la Lituanie ?

Impossible qu'il en soit autrement car j'ai vécu le destin de mon pays, comme la plupart de mes compatriotes. On a souffert de l'occupation soviétique. J'ai été privée de mon passeport pendant 7 ans, dans la période la plus importante de ma carrière. Oui, aujourd'hui, on défend les couleurs lituaniennes, partout où on est.

Que signifie pour vous être une Lituanienne ?

C'est d'abord appartenir à son histoire. Quand je suis arrivé à Paris, j’ai tout de suite rencontré mes compatriotes de la diaspora, et je leur ai demandé des livres sur l'histoire de mon pays, des livres auxquels je n'avais jamais eu accès durant l'occupation soviétique. J'avais besoin de connaître mes racines, celle de l'État lituanien, qui a été un royaume, qui a appartenu à l'Europe. Au XVIᵉ siècle, notre université était l'une des plus importante de l'Europe. Cette occupation nous a totalement rayés de la carte pendant 50 ans. Mais on était sur le départ, prêts à partir, seulement nous attendions le signal de départ… Et là on sort de l'ombre. C'est bouleversant, pour nous, d'avoir cette Saison ici en France.

Pourquoi cette émotion particulière chez vous ?

Parce que dans les années 1990, j'ai eu le bonheur de préparer 5 émissions de 2h sur la Lituanie et sur la culture lituanienne. Chaque émission commençait par l'hymne lituanien : les gens pleuraient, c'était comme retrouver sa propre identité. On a toujours gardé le souvenir ancestral de notre histoire, de notre culture, de nos racines. Je crois qu'on s'en sort mieux que les autres pays baltes pour s'intégrer de nouveau à l'Europe.

J'ai dans les mains un disque de vous interprétant Léopold Godowsky. Qui était-il ?

Jadis, on appelait Vilnius la Jérusalem du Nord, car il avait là une énorme population d'élite juive. Godowsky était l'un de ces Juifs brillants, un grand pianiste, grand compositeur qui est né à Vilnius, qui a parcouru le monde, qui a fini ses jours à New York. Et il n’a pas été le seul ressortissant lituanien à émigrer : Jascha Heifetz, la famille Chagall, la famille Gershwin, celle d'Aaron Copland ou de Bob Dylan, ils ont été nombreux.

NDLR : la pianiste Mūza Rubackytė est en tournée en France jusqu'au 13 novembre. Samedi 14 septembre à Paris, à l'Orangerie des Serres d'Auteuil, dimanche 15 septembre à Chassignolles dans le Berry et ainsi de suite. Une tournée entre son récital et le film qui lui est consacré : Mūza, muse du piano.

Tour de Gediminas, dernier vestige de l'ancien château de Vilnius avec, en premier plan, le musee national de Vilnius. (JAN SCHMIDT / MAXPPP)

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