Suisse 2024 : la neutralité en débat...
Nous continuons notre tour des pays d'Europe en ce début d'année, aujourd'hui la Suisse, la Confédération helvétique, avec Richard Werly, correspondant du média suisse Blick et de la newsletter Republick.
franceinfo : Richard Werly, 2024 pour la Suisse, ça commence comment ?
Richard Werly : Ça commence par une incertitude, qui est évidemment européenne, mais qui touche la Suisse. C'est l'incertitude liée à la neutralité, et notamment à la fameuse question qui nous a beaucoup préoccupés, de la réexportation d'armes vers l'Ukraine. Vous savez qu'aujourd'hui, il n'est pas possible pour la Suisse, de réexporter ou d'autoriser des clients d'armes suisses, à les réexporter vers l'Ukraine qui est un pays en guerre, au nom de la neutralité.
Ça va peser sur les débats. Ça pèse d'ailleurs sur les débats. Le nouveau Parlement, qui a été élu le 22 octobre dernier, s'est immédiatement saisi du sujet. On est en train de trouver des aménagements, mais pour l'instant, pas pour l'Ukraine, c'est-à-dire pas pour un pays en guerre.
Mais attention, au niveau de la neutralité, il y a bientôt une votation ?
Oui, elle aura lieu sans doute en 2025. Après le début de la guerre en Ukraine, donc février 2022, quelques mois plus tard, une initiative a été déposée par la droite dure, l'UDC, l'Union démocratique du Centre, afin de préserver la neutralité suisse, et de l'inscrire dans la Constitution. Vous ne le savez peut-être pas, mais la neutralité suisse n'est pas inscrite dans la Constitution, il est dit que le gouvernement et le Parlement veillent à la neutralité, mais elle n'est pas inscrite comme principe.
Ça aurait pour conséquence sans doute, alors là pour le coup, de clore le débat sur toutes ces réexportations d'armes, et d'isoler davantage la Suisse diplomatiquement. On le saura au mois de mai, et il y aura probablement une votation en 2025.
Vous parlez de droite dure comme l'UDC, c'est vrai que les nationalistes suisses bougent...
Beaucoup, ça bouge et ça occupe un terrain, je dirais inchangé depuis maintenant à peu près 20 ans. Nous avons eu des élections fédérales le 22 octobre dernier. Ont été renouvelés, à la fois, la Chambre basse, c'est-à-dire le Conseil national et la Chambre haute, le Conseil des Etats, et l'UDC a de nouveau remporté 28% des suffrages, est arrivée très largement en tête.
C'est donc cette formation qui aujourd'hui est représentée par deux ministres au sein de notre gouvernement collégial de sept ministres. On peut dire que la force motrice du débat politique suisse reste l’UDC, ce qui oblige les autres partis, lorsqu'ils veulent parvenir à une décision, à se coaliser contre cette force de droite nationale populiste.
L'actualité, ce sont les agriculteurs et la question de l'agriculture en Europe, on va aborder la question des agriculteurs suisses, qui sont un peu à part, il faut le dire ?
Oui, Les agriculteurs sont sans doute la catégorie sociale qui, en Suisse, a le plus bénéficié du fait de ne pas être dans l'Union européenne. Alors ça ne veut pas dire que les produits suisses, que vous connaissez, ne sont pas soumis aux tensions du marché mondial.
D'abord parce que la Suisse est un pays importateur net de produits agricoles. Ensuite parce que les produits agricoles suisses, que ce soit le vin, le fromage, sont des produits qui vont vers l'exportation, et donc vous dépendez des marchés mondiaux. Mais je dirais qu'il y a deux choses qui ont préservé relativement l'agriculture suisse.
Premièrement, nous n'avons pas en Suisse, dans les mêmes proportions, de grandes agricultures industrielles, pour de simples raisons de configuration géographique. Nous ne sommes pas les Pays-Bas, nous ne sommes pas les grandes plaines céréalières françaises.
Autrement dit, ce type d'agriculture qui est aujourd'hui terriblement impacté par les nouvelles législations sur les pesticides, n'existe pas en Suisse où existe beaucoup moins. Et deuxième chose, notre agriculture, qui est une agriculture de montagne, a toujours bénéficié d'une chaîne de consommation assez proche, du producteur au consommateur.
Et de ce point de vue là, il faut dire que les grandes coopératives de distribution suisses, les noms sont connus, la Migros et la COP, ont toujours joué le jeu. Donc je dirais que l'agriculture suisse et les agriculteurs suisses connaissent aussi des problèmes structurels, mais l’agriculture suisse a quand même été protégée.
Et enfin, on est obligé de le dire, la différence est que la Suisse a de l'argent dans les caisses. Nous n'avons pas de problèmes financiers. L'État n'est pas surendetté, et par conséquent, lorsqu'il faut faire des chèques aux agriculteurs, on a encore la capacité d'en faire.
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