Antibiotiques, leur efficacité en péril
Que Choisir consacre un dossier à la consommation des antibiotiques en France. Il y a de plus en plus de personnes qui meurent aujourd'hui en Europe parce qu'aucun antibiotique actuellement disponible n'a pu les soigner. Depuis que ces médicaments très précieux ont été inventés, les bactéries ont appris progressivement à s'en prémunir.
Pendant longtemps, jusqu'aux années 1990, ce n'était pas inquiétant, car de nouvelles familles d'antibiotiques étaient découvertes. Aujourd'hui, c'est fini.
L'industrie pharmaceutique a cessé de mettre sur le marché de nouvelles molécules. La recherche coûte trop cher et la rentabilité est mauvaise. Dans le même temps, les antibiotiques ont été utilisés de plus en plus massivement à la fois en élevage et en médecine humaine, d'où des résistances très fortes.
Une menace ?
Comme on dit que les élevages, notamment les élevages de volailles en batterie, utilisent de plus en plus d'antibiotiques, Que Choisir a voulu voir si cet usage massif était une menace pour le consommateur.
Ils ont donc analysé 100 échantillons de viande de poulet et de dinde, à la fois des cuisses, des ailes, des escalopes, etc. Des morceaux achetés aussi bien en grandes surfaces que sur des marchés ou chez des bouchers traditionnels. Plus de la moitié des échantillons venait de volailles standards, dont beaucoup de premiers prix. Les autres échantillons incluaient des produits certifiés, sous Label rouge ou des produits bio.
Sur ces échantillons, ils ont recherché les Escherichia coli, des germes assez communs et ont voulu voir si ces germes résistaient quand ils étaient confrontés à une ou plusieurs familles d'antibiotiques actuellement disponibles.
Les tests parlent
Le constat est assez préoccupant. La bactérie Escherichia coli est présente sur 26 échantillons. Mais, plus préoccupant, sur 16 échantillons, cette bactérie présente des résistances à une ou plusieurs familles d'antibiotiques.
Plus grave encore, sur 6 de ces échantillons, c'est une résistance à ce que le monde médical appelle des antibiotiques critiques. C'est-à-dire une famille d'antibiotiques dont il est vital de maîtriser l'usage, car ce sont des médicaments de dernier recours en cas de maladies graves.
Il est difficile de tirer des conclusions précises entre les différents produits car les échantillons étaient trop petits. Ils ont remarqué que les volailles standards et premiers prix sont plus touchées. A l'inverse, les volailles biologiques sont peu contaminées.
Pour les volailles Label rouge, le bilan est plus mitigé : deux échantillons Label rouge présentaient une résistance aux antibiotiques critiques.
Que faire ?
Il faut réduire l'usage des antibiotiques dans les élevages. C'est l'objectif du plan EcoAntibio qui vise une diminution de 25 % des antibiotiques dans les élevages d'ici à 2017. Des efforts ont déjà été menés, que ce soit parmi les élevages de lapins ou de porcs, pendant longtemps gros consommateurs d'antibiotiques. Même les grandes surfaces s'y mettent en signant des accords, comme Carrefour avec les producteurs de poulets fermiers d'Auvergne garantis sans antibiotiques.
Il faut savoir que, depuis 2006 en France comme en Europe, il est interdit de booster la croissance des bêtes avec des antibiotiques. Alors que c'est permis aux Etats-Unis par exemple.
Inverser la courbe
Les Français sont, avec les Grecs, les plus gros consommateurs d'antibiotiques.
Il faut arrêter de penser que les antibiotiques soignent tout, tout de suite. Les antibiotiques ne peuvent rien contre les maladies virales, comme la grippe, la plupart des angines et des rhino-pharyngites. Ils sont efficaces uniquement contre les maladies d'origine bactérienne, comme les pneumonies, les cystites...
Les antibiotiques ne font pas baisser la fièvre et ne permettent pas de guérir plus vite.
Cette surconsommation d'antibiotiques va entraîner des résistances gravissimes. On risque, d'ici quelques années, de voir que les antibiotiques actuellement disponibles ne sont plus du tout efficaces pour soigner les malades qui en ont un réel besoin.
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