Des patisseries industrielles dans... les boulangeries !
Certaines vitrines de boulangers sont appétissantes et bien garnies en pâtisseries. Le sujet est tabou chez ces artisans de proximité mais la réalité est là : les boulangers-pâtissiers ne fabriquent pas toujours eux-mêmes les tartelettes, mille-feuilles, éclairs mais aussi croissants ou pains au chocolat.
Alors, d’où viennent ces produits ?
Bien qu’ils revendiquent leur statut d’artisans, nombre de boulangers-pâtissiers ont recours à la solution industrielle. Ils s’approvisionnent en gâteaux et viennoiseries auprès de grands groupes qui les fabriquent à la chaîne. Il peut s’agir de pâtisseries prêtes à l’emploi ou de viennoiseries toutes faites que le boulanger n’aura plus qu’à réchauffer avant leur mise en vente. Autre possibilité, le boulanger se contente d’assembler les différents éléments du gâteau. Par exemple, pour un éclair au chocolat, la pâte à choux et la garniture lui sont fournies séparément. A lui ensuite de réunir les deux. Le choix est très vaste ; Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les épais catalogues diffusés par les principaux groupes industriels présents sur ce marché. Ce sont des centaines de références toutes préparées: des produits de "snacking" type quiches ou pizzas, ou petits fours et canapés prêts à l’emploi - qui sont proposées. Bref, on y trouve de tout. Maintenant, parmi les 32 000 boulangers-pâtissiers qui exercent en France, tous n’ont pas recours à la solution industrielle. Ils sont un certain nombre à fabriquer encore eux-mêmes les produits qu’ils vendent. La réalité est cependant là : selon diverses sources, seule une viennoiserie sur deux serait réellement fabriquée par le boulanger.
Les boulangers qui ont recours à la solution industrielle ne le crient généralement pas. Dès lors, ne sont-ils pas dans l’illégalité ? Autre point, font-ils une bonne affaire en faisant fabriquer leurs gâteaux à l’extérieur ?
L’appellation boulangerie est réglementée, pas celle de pâtisserie. Pour pouvoir appeler son magasin boulangerie, il faut absolument que le pain soit fabriqué sur place de A jusqu’à Z, qu’aucun produit surgelé ne soit utilisé. Cela explique pourquoi les magasins qui se contente de le faire cuire n’ont pas le droit d’utiliser la mention boulangerie, et ce même si leur agencement est très ressemblant. Pour la mention pâtisserie, il n’y aucune obligation de fabriquer sur place. Lorsqu’ils utilisent des produits surgelés, les artisans devraient en principe le signaler en vitrine par un logo (un igloo pour les boulangeries-pâtisseries, un pingouin pour les seules pâtisseries). En pratique, bien peu le font car ils savent que le surgelé ce n’est pas très vendeur. Mieux vaut laisser le consommateur dans le doute… Cette discrétion on la retrouve sur la marge qu’ils réalisent pour chaque gâteau industriel qu’ils vendent. On peut cependant donner quelques indications. On trouve des éclairs industriels vendus aux boulanger 1,05 € pièce. Éclairs que l’on retrouve ensuite en vitrine entre 1,70 et 2,70 € selon les lieux. Autre exemple, le croissant au beurre est vendu une trentaine de centimes d’euros au boulanger ; mais de 0,80 à 1,10 € au consommateur. On le voit : il y a de la marge !
En pratique comment peut-on reconnaître l’origine industrielle d’un gâteau ?
Ce n’est pas facile. Les industriels ont fait de très gros progrès tant dans la présentation que dans les qualités des gâteaux et viennoiseries qu’ils fabriquent. Tout le monde le reconnaît. Maintenant, les puristes préféreront toujours manger une pâtisserie maison, gage à leurs yeux d’une meilleure qualité. Pour savoir si c’est le cas, le plus simple est encore de le demander au boulanger : Vos produits sont-ils faits maison ? Si la réponse est évasive, quelques " petits trucs" permettent d’y voir plus clair. Ainsi une offre très abondante et variée de même que des gâteaux réguliers et ressemblants renforcent la probabilité de l’origine industrielle. Ce n’est toutefois pas une garantie absolue car de nombreux industriels s’arrangent pour donner une apparence de "faits maison" à leurs produits.
Puisque de nombreux gâteaux viennent de l’extérieur et sont livrés surgelés au boulanger, une fois qu’il les met en vente peut-il les proposer pendant plusieurs jours ?
Là encore le consommateur risque d’être surpris. Le boulanger n’est pas obligé de se débarrasser le soir des gâteaux mis en qui n’ont été vendus dans la journée. Selon le Guide des bonnes pratiques de la pâtisserie , en cours de révision et d’application volontaire, ils peuvent être proposés à la vente jusqu’à trois jours après leur fabrication ou leur mise en exposition. Plusieurs conditions doivent alors être réunies. Dans la journée, les gâteaux doivent être conservés à une température maximale de 7 °C et être remisés le soir dans une enceinte de 4 °C maximum. Évidemment, il faut que le gâteau reste présentable. On le voit derrière les vitrines alléchantes, il y a des pratiques que le consommateur ignore et que le boulanger a intérêt à laisser dans l’ombre. Car pour le consommateur, la boulangerie c’est de l’artisanat pur. Or la réalité est plus nuancée !
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