Cet article date de plus de douze ans.

Le viager mutualisé

A l'heure où chacun s'inquiète de sa retraite, on assiste à un regain d'intérêt pour une formule de vente un peu tombée en désuétude, le viager. Car si le viager n'a pas toujours bonne réputation, il permet à des personnes dont la retraite, par exemple, est insuffisante, de se procurer un pécule, ainsi qu'une rente trimestrielle qui peuvent compléter les revenus.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Franceinfo (Franceinfo)

Et on parle aujourd'hui d'une nouvelle forme de
viager, le viager mutualisé . Alors, tout d'abord, le viager, comment ça marche
exactement ?

Les réponses de Jean-Michel Guérin , directeur Général du
groupe de Particulier à Particulier.

En fait, pour bien comprendre, il faut considérer le viager
comme une vente normale, sauf que le prix en est payé selon des modalités
particulières.  En effet, on convertit le
prix en rente viagère et cette rente est
déterminée en fonction de l'espérance de vie du vendeur. Il y a donc un aléa,
et cet aléa, c'est la condition de validité du contrat de viager,  puisque nul ne peut dire si effectivement le
vendeur vivra plus, ou peut-être moins, que l'espérance moyenne de vie. Tout le
monde se souvient, à ce titre, du malheureux notaire de Jeanne CALMENT, qui lui
avait acheté un bien immobilier et qui est finalement décédé avant notre
célèbre centenaire !

Certains pensent que le
viager n'est pas très moral, car il revient à spéculer sur la mort de quelqu'un,
est-ce que c'est véritablement le cas ??

On peut voir ça comme ça, mais le viager est un contrat juste
et équilibré. En effet, si un vendeur en viager vit exactement autant que l'espérance
de vie moyenne, l'acheteur paiera le même prix que s'il avait acheté comptant.
Il y a bien un aléa, mais celui-ci fonctionne dans les deux sens : si le
vendeur vit plus vieux que l'espérance de vie, l'acheteur paiera plus que le
prix, et si, malheureusement le vendeur décède prématurément, l'acheteur paiera
moins cher. Et, il faut bien noter que le viager n'est pas fait pour spéculer
sur le décès de quelqu'un mais pour permettre à quelqu'un, dont les revenus
sont insuffisants, de se procurer un revenu supplémentaire, et dans certains
cas, cela constitue une véritable retraite complémentaire.

Un acheteur peu
scrupuleux  a donc intérêt à convaincre
quelqu'un qu'il sait malade à lui vendre son bien en viager ?

Non, parce que le contrat de vente en viager est un contrat
aléatoire, c'est-à-dire qu'il doit comporter un aléa, quelque chose
d'imprévisible. A la conclusion du contrat, le décès futur du vendeur doit donc
être imprévisible. Si l'acheteur a connaissance de la maladie du vendeur, il
n'y a plus d'aléa, surtout si cet évènement survient peu de temps après la
vente. Les héritiers du vendeur, s'ils arrivent à prouver que l'acquéreur avait
connaissance de la maladie du vendeur, pourront donc demander la nullité du
contrat. Dans le même ordre d'idée, tout contrat de viager est frappé de
nullité si le vendeur décède dans les vingt jours qui suivent la vente, d'une
maladie dont il était atteint au moment de la vente.

On peut vendre en
viager à n'importe quel âge ?

Oui, la variable d'ajustement, c'est simplement le montant de
la rente. Si, par exemple, vous vendez un bien en viager, qui vaut
100.000 euros et que vous avez 40 ans, vous ne percevrez " que " 1.000
euros par mois, et si vous avez 80 ans, vous percevrez près de 3.000 euros par
mois, tout ceci tenant compte que vous êtes une femme et, donc, que votre
espérance de vie est supérieure à celle des hommes. Si vous vendez en viager
occupé, c'est-à-dire en continuant à occuper le bien, vous ne toucherez que 100
euros par mois si vous avez 40 ans, alors que la rente pourra atteindre 1.500
euros si vous avez 80 ans. Enfin, notons aussi que le montant de la rente est
indexé chaque année pour tenir compte de l'évolution du coût de la vie.

Mais, qu'est-ce que
cela signifie lorsque le vendeur demande une somme d'argent, un bouquet ?

Eh bien, le bouquet, c'est une somme dont le vendeur réclame
le versement immédiatement. Lorsqu'il y a bouquet, on déduit donc celui-ci du
prix de vente et l'on ne convertit en, rente que le solde du prix, défalqué
donc du bouquet. C'est une formule mixte, qui permet au vendeur de percevoir
immédiatement une somme plus ou moins importante, et en contrepartie de
percevoir une rente moins élevée. Cette formule peut permettre au vendeur de
financer certains travaux, par exemple, ou encore de répartir cette somme entre
ses enfants.

Et, précisément, quelle
est la différence exacte entre viager occupé et viager libre ?

On l'a vu, le viager se paie de façon particulière : on
convertit en fait le prix de vente en rente, rente que l'on verse généralement
chaque trimestre. C'est la raison pour laquelle, juridiquement, on appelle le
vendeur " crédirentier " et le vendeur " débirentier ".
L'un est créditeur de la rente, l'autre en est débiteur. Lorsque le viager est
libre, on convertit tout le prix en rente, lorsqu'il est occupé on déduit du
prix de vente le prix de l'occupation et la rente n'est assise que sur la
différence.

Et de quoi s'agit-il
lorsque l'on parle de viager sur deux têtes ?

Un couple peut décider de vendre en viager et de constituer
la rente sur deux têtes, c'est-à-dire jusqu'au décès de la dernière personne
vivante. Dans ce cas-là, bien sûr le calcul de la rente tient compte de cette
particularité. On peut décider que la rente soit " réductible " ou
"réversible ". Si elle est réductible, elle sera réduite de moitié.

Et quelle est cette nouvelle
forme de viager mutualisé ?

Aujourd'hui, on voit de nouvelles formes de viager, ou
l'acheteur n'est plus un particulier, mais un fonds d'investissement.  Une offre vient d'être lancée par l'Union
Mutualiste Retraite (UMR), le nom commercial étant  Coremimmo. Dans ce cas, le vendeur ne vend
plus son bien à un particulier, mais à un fonds. Le fonds espère faire des
plus-values en revendant les biens au fur et à mesure qu'ils sont vacants.

Mais qu'est-ce qu'on
achète, précisément ?

Le fonds constitue un véhicule, il s'agit généralement d'une
Société Civile immobilière, mais il peut y avoir d'autres formes, et
l'acquéreur achète des parts de cette société. L'inconvénient, c'est que l'épargne
investie est bloquée pour longtemps, on parle d'un minimum de cinq ans, et,
bien sûr, il n'y a pas de possibilité d'acheter un viager libre, pour occuper
le logement, puisque l'on n'achète que des parts de sociétés.

Et les avantages ?

L'avantage, c'est que l'aléa est dilué, on pourrait dire
"moyenné"' dans la masse des bien acquis par le fonds. Si l'un
vendeur vit 120 ans, l'impact financier est réparti entre tous les
souscripteurs. L'autre avantage, c'est le rendement puisque certains fonds
promettent de 5 à 10 %, ce qui est plus que confortable. Enfin, il existe aussi
un avantage psychologique : l'acquéreur a moins l'impression de spéculer sur le
décès d'un seul individu. Cela peut libérer le frein moral.

 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.