Nouveau monde. "Trump a sauvé Twitter du naufrage économique"
Tariq Krim, spécialiste du numérique, revient sur le rôle des réseaux sociaux dans la radicalisation des utilisateurs.
franceinfo : les réseaux sociaux ont-il une responsabilité dans les événements survenus cette semaine à Washington, selon vous ?
Tariq Krim, entrepreneur spécialiste du numérique : On a pu voir au Capitole des personnes avec des drapeaux qui se revendiquaient clairement des groupes extrémistes comme Qanon. Or, on sait que ces groupes se sont construits sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, via l'algorithme de recommandation. Depuis des années, les réseaux sociaux n’ont fait qu'amplifier ces phénomènes.
Y’a-t-il un intérêt économique pour les réseaux sociaux ?
Il ne faut pas oublier que ces réseaux ont un intérêt commercial. Je pense même que l'intense activité de Trump sur Twitter a sauvé cette entreprise du naufrage économique. Les campagnes politiques et la polarisation de la politique, notamment aux États-Unis mais aussi ailleurs, ont eu un impact positif sur les ventes de publicités. L'ensemble des acteurs, comme YouTube, mettent régulièrement en avant les contenus les plus durs et les plus extrêmes pour renforcer cette manne publicitaire.
Autre sujet, la souveraineté numérique. Quelle est votre réaction lorsque Emmanuel Macron dit que la France a 10 ans de retard dans le numérique ?
On ne peut pas dire ça. J'ai trouvé ces propos assez durs vis à vis de la communauté des développeurs français. Évidemment, le cloud américain est en avance mais, faut-il le rappeler, il a été financé à coups de milliards par l'État américain. Par exemple, le contrat de cloud initialement gagné par Amazon a été donné, sur décision de Trump, à Microsoft, ce qui représentait jusqu’à 10 milliards de dollars !
Ce qui nous manque, c'est l'investissement de l'État et des entreprises françaises sur les technologies européennes, de façon à ce que l’on puisse se mettre à niveau. Nous avons d’immenses compétences et il faut seulement plus de temps et d’argent pour développer les mêmes fonctionnalités que celles qui existent sur les clouds américains.
Est-il normal que des acteurs américains soient autorisés à participer au projet de cloud européen Gaïa X ?
Je trouve cela curieux car Gaia X devait être une alternative européenne aux acteurs américains afin de bâtir une forme de fédération de technologies européennes. Or, ce n’est pas le cas. Il y a probablement un problème de confiance.
De nombreux acteurs se disent que c'est peut-être mieux si Palantir ou Microsoft font partie des membres. Pourtant, je pense qu'il faut que nous nous affirmions avec nos propres valeurs, même si cela coûte un peu cher au départ. Comme on l’a vu dans le passé avec des initiatives comme Airbus, cela se rentabilise sur le long terme et apporte de nombreux bénéfices.
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