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On s'y emploie. La vie en entreprise est-elle une "comédie inhumaine" ?

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a demandé cette semaine aux partenaires sociaux de se pencher sur la qualité de vie au travail.

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des cadres à La Défense, près de Paris. Image d'illustration. (MAXPPP)

Une philosophe et un économiste viennent de publier un essai au vitriol sur le management. Une "comédie inhumaine", selon eux. 

Julia de Funès est philosophe, elle cosigne avec l'économiste Nicolas Bouzou, La Comédie (in)humaine, qui vient tout juste de sortir en librairie, aux éditions de l'Observatoire.

 Le management est-il devenu réellement, à ce point, inhumain ?

Julia de Funès : Il y a une sorte de comédie managériale, de mode managériale, qui fait que les salariés sont très malheureux, et il n'y a jamais eu autant de burn out, brown out, bore out, donc c'est bien la preuve que quelque chose ne va pas. C'est le paradoxe : les entreprises font tout pour améliorer le sort des salariés, mais ils vont de plus en plus mal.

Pourtant la qualité de vie au travail n'a jamais été autant présente, le gouvernement demande d'y retravailler

Julia de Funès : Et c'est vrai qu'il faut y retravailler. On n'est pas contre les entreprises ni contre les salariés, mais il faut repenser le management, le simplifier pour revivifier les salariés qui se sentent souvent engourdis dans leur intelligence.

Quels sont les irritants les plus récurrents ?

Julia de Funès : Ce sont les réunions qui n'en finissent pas et qui ne servent à rien, les Powerpoint qui s'accumulent et qui répètent ce que l'interlocuteur dit, des formations aberrantes, ludiques, où on part en séminaire trois jours faire des "escape games" et ça ne réjouit que les moins bons, des brainstormings qui ne mènent à rien sinon à des rafales de généralités sur des Post-it fluos... C'est toute cette énergie bête qui pollue les esprits.

Vous parlez beaucoup de la dictature des process...

Julia de Funès : Les salariés nous disent qu'ils sont pris dans une injonction paradoxale, on leur dit "agis, innove, va de l'avant", et en même temps dès qu'on va de l'avant on a une accumulation de procédures, donc on ne peut rien faire.

...et d'une dictature de la transparence

Julia de Funès : C'est Michel Foucault qui le dit dans Surveiller et punir. Le fait d'être visible en permanence, c'est une dictature.

L'injonction du bonheur au travail, cela vous exaspère

Julia de Funès : Il faut être heureux, sinon on culpabilise et on est doublement malheureux. L'entreprise vise un mieux-être en le réduisant à des babyfoots, des plantes vertes, des smoothies et des ostéopathes. C'est bien, mais le bonheur est une affaire privée.

Vous proposez des solutions et notamment des formations aux humanités

Julia de Funès : Les gens sont heureux de retrouver des mots qui parlent, de la culture générale, des raisonnements affutés, et ils en ont marre des formations qui en 10 leçons vous proposent d'être le meilleur manager de l'année, c'est très souvent vide et les gens ont envie de contenu, qui nous semble provenir des humanités, de matières comme l'économie ou la philosophie.

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