Planète Sport. En Tchétchénie, l’étrange amitié entre le dictateur Kadyrov et le champion de MMA Nurmagomedov
Ramzan Kadyrov, dictateur tchétchène, est fan de MMA ("mixed martial arts"). Se servant notamment de sa relation avec le champion international Nurmagomedov, il utilise ce sport de combat comme arme diplomatique au service de ses ambitions territoriales.
Le 6 octobre 2018, à Las Vegas, un combat entre dans l’histoire du MMA (mixed martial arts), ce sport mêlant lutte et pugilat dans un octogone, une cage grillagée. Le Daghestanais Khabib Nurmagomedov affronte l’Irlandais Conor McGregor dans la catégorie des légers. Les enjeux financiers sont colossaux pour ce choc entre deux des plus grandes stars de ce sport de combat. Et Nurmagomedov, surnommé "L’Aigle", corrige son adversaire. Au milieu de la quatrième reprise, l’arbitre met fin au supplice de McGregor, déclaré perdant par soumission.
À l’autre bout du monde, un homme n’a pas manqué une miette du duel : Ramzan Kadyrov. Le chef de la République de Tchétchénie ne tarde pas à féliciter le vainqueur. Mais pourquoi donc Kadyrov s’intéresse-t-il à Nurmagomedov, le champion du Daghestan voisin ?
Le MMA redonne une place aux hommes dans la société
D’abord, le dictateur tchétchène, régulièrement critiqué par les défenseurs des droits de l’homme, est fan de MMA. Le Français Johnny Frachey, 33 combats, 20 victoires, a combattu en 2018 à Grozny. Il se souvient d’un dîner organisé par Kadyrov : "La veille du combat, après la pesée, il y a eu une grosse fête, grandiose, en présence de Ramzan Kadyrov, avec des combattants de tous les pays. Il y avait une table spécifique pour les combattants de l’équipe de Kadyrov, tous habillés en tenue militaire."
Car Kadyrov a sa propre équipe, le Akhmat Fight Club, dont les membres grossissent régulièrement les rangs des services de sécurité tchétchènes après leurs carrières. "Kadyrov soutient beaucoup les combattants, selon Johnny Frachey. Il est exigeant, donne des directives assez strictes. Et ça marche, vous n’avez qu’à regarder les résultats, c’est assez exceptionnel."
Quand il s’agit de faire briller la Tchétchénie sur la scène internationale, les sports de combat sont volontiers mis à contribution
Aude Merlin, spécialiste de la Tchétchénieà franceinfo
Pour le dictateur tchétchène, le MMA est aussi une arme diplomatique. "Valoriser les arts martiaux, valoriser le MMA est une façon pour Kadyrov de redonner aux hommes une place dans la société", estime Aude Merlin, spécialiste de la Tchétchénie à l’Université libre de Bruxelles.
Et Nurmagomedov intéresse particulièrement Kadyrov. Il brille dans un sport vénéré en Tchétchénie. Et il est du Daghestan, une province du Caucase dont le chef de la République de Tchétchénie convoite les terres. Kadyrov invite donc Nurmagomedov à Grozny, le couvre de cadeaux, et le fait citoyen d’honneur de la ville. En retour, "Nurmagomedov a présenté Kadyrov comme un bienfaiteur pour le Daghestan à un moment où les tensions étaient très fortes entre les deux provinces". Le champion de MMA est ainsi devenu un ami très utile pour le dictateur tchétchène.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.