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Profession : reporter. Couvrir le procès des attentats de janvier 2015 à la cour d'assises spéciale de Paris

Un procès long de trois mois. Un sujet lourd puisqu'il traite de terrorisme et des attaques contre "Charlie Hebdo" et l'Hyper Cacher, qui sont encore dans tous les esprits et les chairs. On en parle avec Charlotte Piret et Sophie Parmentier, journalistes du service police-justice de France Inter. 

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Paris, le 1er septembre 2020. Le Mémorial de "Charlie Hebdo" à la veille de l'ouverture du procès. (PHOTOPQR / LE PARISIEN / MATTHIEU DE MARTIGNAC / MAXPPP)

Durant trois mois lors du procès des attentats de janvier 2015 à la cour d'assises spéciale de Paris : des audiences d'une grande intensité, des complexités, des souffrances.Une justice qui doit être rendue et des journalistes qui ont dû retranscrire au jour le jour les débats.

Tout écouter, même l'indicible

Quand le verdict est prononcé par la cour d'Assises spéciale de Paris, Charlotte Piret et Sophie Parmentier, journalistes du service police-justice de France Inter sont en direct. Depuis le premier jour, elles n'ont pas manqué un interrogatoire, une minute des audiences, et se sont attachées à retranscrire tout ce qui se disait dans la salle. Quotidiennement. Ne pas s'en tenir aux seuls faits marquants. 

"Dans la grande salle d'audience 2.02, des dizaines d'avocats, de survivants et de proches de victimes s'installent sur des bancs blancs. L'équipe de Charlie Hebdo se serre dans les bras. Les rescapés de l'Hyper Cacher sont plus esseulés. Dans deux grands box vitrés, 10 hommes prennent place, encadrés de policiers encagoulés. Sur un strapontin, devant ses avocats, un onzième accusé, le seul à comparaître libre, sous contrôle judiciaire. Les gorges sont nouées. Les cœurs battent à deux cents à l'heure. Puis le silence se fait et le procès s'ouvre." 

L'avocate d'Ali Rizat Polat, Isabelle Coutant-Peyre, le 23 octobre 2020 au procès des attentats de janvier 2015, à Paris. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

54 journées et un journal de bord numérique

C'est par ces mots que les deux journalistes entament un journal de bord numérique de 54 journées éprouvantes

Éprouvantes parce que l'émotion des victimes, proches ou familles, ne peut laisser indifférent.
- Les images jamais diffusées des lieux du crime à Charlie Hebdo, tournées par les services de police, après l'attaque, où rien n'est épargné au spectateur.
- Le témoignage de la dessinatrice Coco, qui revit la scène à la barre, mimant ce qu'elle a vécu quand les frères Kouachi la prennent en otage.

Dans les images qui resteront dans l'esprit de Sophie Parmentier, il y a le récit de Lilian, employé de l'imprimerie de Dammartin-en-Goële en Seine-et-Marne, où se sont refugiés armés les deux terroristes. Lilian a juste le temps de se cacher sous un évier, dans un placard étroit. Lilian se souvient de Said Kouachi qui vient se laver les mains. "L'eau ruisselait dans mon dos, j’avais peur, j’étais tétanisé, mon cerveau et mon coeur étaient en pause, c’était irréel."

Les avocats généraux Julie Holveck et Jean-Michel Bourlès lors d'une audience au procès des attentats de janvier 2015, à la cour d'assises spéciale de Paris. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Il y a la douleur et l'émotion qui ne doivent pas tout emporter

Au total, 14 personnes sont soupçonnées d'avoir apporté une aide logistique aux trois assassins abattus par les forces de l'ordre. Sur ces 14, les trois principaux accusés se trouvent en zone irako-syrienne. Et les 11 personnes qui comparaissent n'ont pas le même niveau de responsabilité. Preuve en est, la qualification de terroriste n'est pas retenue pour certains d'entre eux. Tous ces éléments doivent être expliqués pour aider la compréhension des écarts dans les peines prononcées, qui vont de quatre ans de prison à 30 ans de réclusion criminelle. 

"La justice est prononcée au nom du peuple, et c'est la société française qui a été attaquée dans ses valeurs", rappelle Charlotte Piret, et notre mission de journaliste de service public est d'expliquer les décisions qui sont rendues dans des dossiers aussi lourds." 

Ce que retiendra la journaliste au lendemain de l'énoncé du verdict, c'est l'échange inattendu entre les accusés et les victimes ou proches de victimes, un échange qui s'est noué au fil des jours, à la faveur de suspensions d'audiences. Ces paroles échangées sont bien le signe que les terroristes, qui voulaient tout détruire, n'ont pas gagné.

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