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Profession reporter. #FreeKhaled : en Algérie, la liberté de la presse en question

Le pouvoir algérien a voulu faire un exemple mais il en aurait fait un symbole. Khaled Drareni a été condamné en appel à deux ans de prison ferme pour "incitation à un attroupement non armé" et "atteinte à l'unité nationale". Son crime : avoir couvert les manifestations du Hirak, mouvement populaire antirégime. Ce journaliste indépendant est aussi le correspondant de TV5 Monde en Algérie. 

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Près du périphérique parisien, l'ONG Reporters sans Frontières déploie une bâche de 300m2,  #FreeKhaked
 (ERIC VALMIR / RADIO FRANCE / FRANCE INFO)

Dans les voix de Caroline Roux et Jérôme Bouvier qui remettaient le prix spécial du Jury des dernières Assises du journalisme à Khaled Drareni, il y a avait une solennité dans laquelle se réfugiaient émotion, colère et abattement. Ce 1er octobre 2020, le journaliste algérien n'était pas à Tours pour recevoir son prix, mais derrière les barreaux de l'autre côté de la Méditerranée.

"On espère t'applaudir l'année prochaine" a conclu Jérôme Bouvier en s'adressant à la photo qui s'affichait en grand au fond de la scène. Chez lui, Khaled Drareni est condamné pour avoir couvert les manifestations du Hirak, ailleurs on le célèbre pour le sérieux et la profondeur de cette même couverture journalistique. 

Le journalisme en Algérie est considéré comme un crime.

Mustapha Bendjama, rédacteur en chef du Provincial

À deux pas du périphérique parisien, Reporters Sans Frontières a déployé jeudi dernier, 14 octobre, une toile de 300 mètres carrés, concue par C215 avec le #FreeKhaled qui anime désormais les réseaux sociaux. Jamais RSF, qui demande la libération sans condition du journaliste algérien, n'a étendue une bâche aussi grande.

Même des héros de l’indépendance et des esprits qu’on pense libres hésitent aujourd’hui à s’exprimer. C’est un pays que le pouvoir cherche à mettre dans l’éteignoir. Et dont il risque de faire une cocotte-minute.

Christophe Deloire, secrétaire général de RSF

Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans Frontières qui a fait de la photo de Khaled la bannière de son profil Twitter. 

Des Algériens participent à un rassemblement hebdomadaire pour appeler à la libération du journaliste Khaled Drareni à Alger, le 5 octobre 2020. Le journaliste algérien de 40 ans, incarcéré depuis le 29 mars, a été condamné en appel à deux ans de prison. (RYAD KRAMDI / AFP)

Fondateur du site d’information Casbah Tribune, correspondant en Algérie de TV5 Monde, Khaled Drareni, 40 ans, a travaillé dans la presse écrite et en ligne, la radio et la télévision, publique et privée. Il a déjà interviewé l’actuel chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune. Ou encore Emmanuel Macron lors de sa campagne pour la présidentielle en 2017. Sa condamnation, à deux ans de prison ferme en appel est la plus lourde peine prononcée contre des journalistes depuis 20 ans en Algérie.

Dans le quoitidien Le Monde daté du 21 septembre, des intellectuels français signent une tribune dans laquelle ils appellent Emmanuel Macron à intervenir auprès de son homologue Abdelmadjid Tebboune. 

Une manifestation de journalistes algériens pour réclamer la libération de Khaled Drareni, le 31 août 2020 à Alger. (RYAD KRAMDI / AFP)

Et dans les rédactions algériennes, l'émotion est forte. Dans ce Profession Reporter, on entendra ces voix parfois étouffées qui vivent sous la pression des intimidations et du chantage. Il faut entendre Nabila, ce n'est pas son vrai nom, qui enregistre sur une messagerie cryptée un texte qu'elle écrit pour franceinfo et qu'elle nous envoie depuis Alger.

Des rédacteurs en chefs s'expriment en plein jour. L'incarcération de Khaled Drareni, détenu depuis le 29 mars dernier, ne peut se définir en un mot. De l'absurdité à l'incompréhension. La mobilisation est générale, mais pour l'heure le pouvoir algérien ne répond pas. 

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