Cet article date de plus de trois ans.

Profession : reporter. Le reportage pour briser le silence de la pédophilie et la combattre

"Libérer la parole, mettre des mots sur les maux" sont des expressions que l'on entend souvent. Dans le cas des affaires pédophiles, c'est une clé majeure. Les victimes doivent comprendre qu'elles sont abusées, et le pédophile qui n'a pas encore commis l'irréparable doit sortir du silence. Aurélie Kieffer, journaliste à France Culture, livre un reportage saisissant.  

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Enfance violée et brisée. Aurélie Kieffer a recueilli le témoignage d'un père de famille pédophile. Illustration (DODESKADEN / DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

Le corps d'Estelle Mouzin est restée introuvable. Cette semaine, les fouilles entreprises dans les Ardennes, les bois du château du Sautou, ancienne propriété de Michel Fourniret, n'ont pas permis de retrouver le corps de la jeune fille.

Le 3 décembre dernier, l'ancien chirurgien Joël Le Scouarnec a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle par les Assises de la Charente-Maritime pour viols et agressions sexuelles sur quatre victimes. Deux d'entre elles étaient ses propres nièces. 

Le pédophile et tueur en série Michel Fourniret, lors de son extradition de la Belgique vers la France, le 9 janvier 2006, il y a presque 15 ans.  (POOL CRUSIAUX / DEMANGE / MARCHI / GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES)

Au delà du traitement factuel d'une affaire de pédophile, qu'il s'agisse de l'angle judiciaire à l'heure du procès, ou criminel quand la tragédie éclate au grand jour, ou qu'une disparition suspecte est signalée, le reportage s'aventure rarement sur un sujet aussi sensible. Et pourtant, parler de la pédophilie, c'est la combattre.

C'est à partir de ce constat qu'Aurélie Kieffer, journaliste de France Culture, a construit son travail. Elle l'a articulé autour d'une question qui ne devait pas rester sans réponses : comment protéger les enfants ? 

Aurélie s'est donc approchée des associations qui travaillent sur l'aide aux victimes mais aussi des Centres Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violence Sexuelle. Dans cette population pédophile, il y a ceux qui sont sexuellement attirés par les enfants, mais qui ne sont pas passés à l'acte. En prendre conscience et le formaliser est un premier pas pour ne pas commettre l'irréparable. Ensuite, il y ceux qui ont purgé leur peine de pédocriminel et qui viennent assister aux tables rondes avec les victimes pour établir un échange.

La parole est une réponse

On le comprend. C'est sur un fil sensible que navigue ce reportage. On entend Amélie se souvenir de ce baby-sitter qui venait la garder. Il avait de drôles de jeux, c'est lui qui parlait de jeux. Elle n'était pas à l'aise avec ça, mais comme il ne fallait pas en parler, elle n'en a pas parlé. Et les faits ont continué. Avec le recul aujourd'hui, Amélie est convaincue que la parole aurait tout changé. 

La parole concerne aussi les pédophiles. Enfermés dans le silence, le déni les protège. À écouter Bruno qui a abusé de ces propres enfants, alors nourrissons, on comprend qu'il a cherché à se cacher la réalité. "C'était un acte d'amour, mais je les ai marqués dans leur chair, à jamais." Témoignage glaçant.

Sujet tabou, l'acte de pédophilie ne doit pas être minimisé, ce que cherchent à faire les auteurs, pour ne pas se considérer comme monstres ou pour échapper à la justice. Et la parole des victimes doit être encouragée. Le reportage d'Aurélie Kieffer ne dit rien d'autre, et c'est déjà beaucoup. Ces témoignages n'ont pas fini d'encombrer la mémoire de la journaliste. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.