Profession : reporter. Prix Bayeux des correspondants de guerre : Sonia Ghezali et Shahzaib Wahlah récompensés, catégorie radio
La cérémonie de remise des prix de la 27e édition du Prix Bayeux des correspondants de guerre, ce samedi 10 octobre, dans le Calvados, a récompensé Sonia Ghezali, journaliste de RFI installée à Kabul et Shahzaib Wahlah, correspondant de France 24 à Islamabad, pour leur reportage dans une maternité afghane de MSF en mai 2020.
"Le 12 mai 2020, 24 personnes, dont des mères et des nouveau-nés, avaient trouvé la mort dans la maternité de Médecins sans frontières, transformée en champ de bataille. Cet assaut meurtrier, perpétré dans le quartier Hazara de Kabul, avait été revendiqué par la branche afghane du groupe État islamique, qui prend souvent pour cible cette minorité chiite." RFI
Un reportage glaçant
C’est un reportage glaçant que les deux journalistes de Radio France Internationale ont tourné dans une maternité afghane de MSF, le 13 mai 2020, attaquée la veille par des hommes en armes. Ils ont tué les mères, et blessé par balle des nouveaux nés. Quatre minutes intenses au milieu de pères venus réclamer leurs bébés.
Recevoir le prix Bayeux des correspondants de guerre, c’est surtout montrer aux Afghans que le monde a conscience de leur souffrance.
Sonia Ghezali, correspondante de RFI à Kabul
C’est la première réaction de Sonia Ghezali, journaliste de RFI installée à Kabul depuis plus de quatre ans.
Ici, les gens ont l’impression que plus personne ne s’intéresse à eux, or des victimes dans la population civile, il y en a tous les jours.
Sonia Ghezali
Des attentats et des attaques traumatisantes. Un médecin de la maternité témoigne hagard : des terrains de guerre, il en a connu, mais qu’on tire sur des nouveaux nés, et qu’on tue les mères à peine remise de leur accouchement, c’est un palier de plus dans l’escalade de la violence.
L’horreur de la situation contraste avec la voix douce de Sonia
Ne pas ajouter de l’horreur à l’horreur. Avoir la distance pour porter le mot juste à l’abomination, et rester en retrait pour ne pas jouer les voyeuristes de la douleur paternelle ; ces pères réclament leurs nourrissons qui ne connaîtront pas leurs mères, et que leurs mères n’ont pas eu le temps de voir. Ce reportage qui a interpellé le jury du prix Bayeux s’ouvre sur l’opération chirurgicale d’un corps de 51 centimètres, âgé de 8 heures, et qui a pris une balle dans la jambe.
Sans doute, le prix et la valorisation de ce reportage poseront un curseur d’attention sur l’Afghanistan. La réalité est que l’on parle de moins en moins de la situation à Kabul. Être lauréat du prix des correspondants de guerre, c’est aussi une reconnaissance de la profession pour un travail compliqué.
Free-lance en Afghanistan
Sonia a choisi de s’installer en Afghanistan, dans la position fragile du free-lance. RFI est sa radio, mais en tant que pigiste, tout est toujours plus difficile.
Quand on est étranger, on est exposé au kidnapping et à l’attentat.
Sonia Ghezali
Alors le quotidien se vit discret. Femme, elle porte le voile, évite d’avoir un agenda fait d’habitude et de routine, ne marche que très peu dans les rues de Kabul et circule à bord d’une voiture passe-partout. Pour autant, elle ne s’interdit pas le terrain, c’est pour ça qu’elle est là. Ne pas aller en reportage ne rimerait à rien, mais elle se fixe des lignes rouges. Ne pas couvrir les attaques et les attentats. Ou y aller seulement le lendemain.
Sonia n’oubliera jamais le photographe de l’AFP, Shah Marai, tué dans une deuxième explosion qui visait à frapper les journalistes et secouristes venus sur place après une première déflagration. La maternité par exemple, Sonia et Shahzaïb ont attendu le lendemain pour y aller.
Agence France-Presse's chief photographer in Kabul, Shah Marai @shahmarai , has been killed. He died in a blast that was targeting a group of journalists who had rushed to the scene of a suicide attack in the Afghan capital pic.twitter.com/MueIlYkSBh
— AFP Photo (@AFPphoto) April 30, 2018
Une génération de femmes grands reporters sur le podium
Mais il n’y a pas que la violence, il y aussi la vie qui cherche à se construire en dépit des peurs. Et si Sonia décrit si bien sur RFI l’équilibre précaire de l’Afghanistan, c’est qu’étant parfaitement intégrée, elle se situe elle-même sur ce fil de funambule.
Par ailleurs, et ce n’est pas anodin, le Prix Bayeux-Calvados a récompensé une génération de femmes grands reporters. Un podium 100% féminin.
Sonia Ghezali est lauréate mais le deuxième prix va à Gwendoline Debono (Europe 1) et le troisième à Emilie Baujard (RTL)
À souligner aussi le reportage remarqué de Vanessa Descouraux (France Inter).
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