A quoi sert la concertation pour "refonder" l'école républicaine ?
Script de la chronique :
Ce n'est pas la première consultation sur le
sujet, en quoi celle-ci est-elle différente ?
Première
différence : cette consultation pour "refonder" l'école est organisée par
un gouvernement de gauche. Les trois précédentes s'étaient déroulées sous la
droite : grand débat sur l'école en 2005 avec à la clé la loi
d'orientation Fillon, grand débat lancé par François Bayrou au milieu des
années 90 et débouchant sur un " Nouveau contrat pour l'école ".
Il y a aussi eu une " commission jeunes " sous Edouard
Balladur...
L'idée, c'était de neutraliser les syndicats en
s'appuyant sur l'opinion ?
Exactement.
Vous avez à droite l'idée que la réforme est bloquée par les syndicats
enseignants mais que l'opinion est plus progressiste – ce que les ministres
successifs ont d'ailleurs régulièrement vérifié dans les sondages. Une des
raisons étant qu'en matière d'éducation, le clivage droite-gauche n'est pas opérant.
A son tour la gauche a besoin de neutraliser les
syndicats ?
En
partie. Il y aura de toutes façons une négociation parallèle à la concertation,
mais l'analyse du moment consiste à dire que les syndicats – et quand on dit
les syndicats on pense en fait à la FSU, qui est majoritaire -, que les
syndicats ont perdu de leur lustre. Ils gardent une capacité de nuisance mais
sont peut-être prêts à bouger s'ils sentent que l'opinion les soutient. Ceci
dit personne dans l'entourage de Vincent Peillon n'imagine que cela suffira, ce
n'est donc pas la première fonction de cette concertation, qui est avant tout
une sorte de grand messe symbolique de réconciliation de l'école. Les
enseignants, les parents, les syndicats, les associations, l'administration
elle-même dans une certaine mesure, se sont senties " brutalisées "
pendant 5 ans – c'est le mot qui revient
le plus souvent. Donc on se retrouve pour refonder l'école, il y a
là un côté cathartique.
Au-delà, cette
concertation doit émettre des propositions.
Oui.
C'est une demi originalité car Claude Thélot, qui avait mené le grand débat de
2005, insistait lui aussi beaucoup sur ce point. " Tout est dans
l'exécution " disait-il et il tenait à ce que chaque proposition soit
assortie de méthodes consensuelles de mise en œuvre. On retrouve la même
idée : la concertation n'est pas là pour inventer des solutions miracle
mais pour mettre en œuvre des réformes à partir d'un diagnostic partagé.
Et ce diagnostic sur l'état de l'école, il est vraiment
partagé ?
Le
gouvernement veut le croire. Mais vous avez raison ça peut être un leurre. Une
fois que vous constatez que la carte scolaire accroît les inégalités ou bien
qu'il faut rétablir une formation des
enseignants, ça ne garantit pas que vous êtes d'accord sur les mesures à
prendre. Mais l'idée est de pouvoir s'appuyer sur un élan, et puis plus
prosaïquement de donner corps au programme éducatif de François Hollande, qui a
été extrêmement flou sur les méthodes pendant la campagne.
On sait ce qu'il veut faire mais pas comment...
Exactement.
Pour ne prendre que les priorités affichées pour la rentrée 2013 :
renforcer l'école primaire, revoir la formation des enseignants, réformer les
rythmes scolaires, résorber l'échec scolaire au terme de la scolarité
obligatoire. Cela donc on le sait. Mais il a été très discret sur la façon dont
il compte s'y prendre.
Sauf sur la question des moyens : on sait qu'il va
arrêter le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux et en plus
recréer 60.000 postes supprimés par la droite...
Oui. A
ceci près qu'il va falloir les financer donc les prendre ailleurs. Et ce n'est
pas la concertation Peillon qui va mener les discussions avec le ministère du
Budget. Et ces discussions seront à la fois serrées mais aussi extrêmement
techniques - le gouvernement va devoir
trouver plusieurs dizaines de milliards d'euros d'ici l'hiver pour boucler son
budget.
A quoi avaient abouti les précédentes concertations ?
La
consultation Bayrou avait accouché du " nouveau contrat pour l'école ",
c'était un inventaire à la Prévert de 155 propositions, tous azimuts. Il n'a
pas été entièrement mis en œuvre, loin s'en faut, car la dissolution de 1997
est passée par là et la gauche est revenue au pouvoir. Le grand débat sur l'avenir
de l'école de 2004-2005 mené par la commission Thélot a abouti à la loi d'orientation
Fillon, une loi a minima qui n'a rien changé aux grands équilibres du système
et qui n'a repris que peu des propositions de la commission Thélot. La seule
nouveauté a été l'instauration du " socle commun de connaissances et de
compétences " qui est surtout un levier de changement interne à l'Education
nationale. Et François Fillon a été exclu du gouvernement sitôt la loi votée.
Le principal risque est donc politique : c'est de
décevoir...
Oui ?
D'autant que cette fois les ambitions sont considérables. La concertation ne
vise pas à réformer ou à rénover, elle prétend " refonder l'école de le
République ".La promesse n'est pas mince. Pour l'instant on voit bien le
côté retour aux fondamentaux puisque de nombreux points abordés étaient
dans la loi Jospin de 1989, et n'ont pas
été réellement mis en œuvre depuis – ce qui est d'ailleurs un classique des
lois sur l'école. Donc on n'est pas
encore dans le registre de la " refondation ", à moins évidemment que ce mot soit employé pour celui de
" restauration " - et pas au sens culinaire du terme...
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