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L'OCDE tente-t-elle de standardiser l'école au niveau mondial ?

L’OCDE est-elle en train de devenir un super ministère mondial de l’éducation? C’est ce que pensent et craignent 120 universitaires et enseignants de 12 pays – pas de Français parmi eux mais des Américains, des Anglais, des Allemands… Ils viennent de signer une lettre ouverte dénonçant les ravages de Pisa.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
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Pisa, c’est cette évaluation internationale qui depuis 13 ans, donne lieu à des classements de l’efficacité des systèmes éducatifs. Si vous avez entendu dire ces dernières années que la Finlande avait une bonne école, ou plus récemment que c’était le cas de la Corée du Sud, ou encore que le système français était moins performant que d’autres pour réduire les inégalités sociales, eh bien vous avez entendu parler sinon de Pisa du moins de ses résultats.

Une étude produite par l’OCDE

L’Organisation de coopération et de développement économique, créée dans la foulée du plan Marshall, après la seconde guerre mondiale. Elle promeut une vision libérale du monde, ce qui lui vaut en France les critiques de la gauche de la gauche et des altermondialistes – plusieurs ouvrages parus depuis dix ans dénoncent la vision des services publics qu’elle promeut.

Que reprochent ces universitaires à Pisa ?

Le premier reproche de cette lettre ouverte publiée dans The Guardian porte moins sur Pisa en tant que tel que sur la réception de Pisa. Dans le monde entier, les résultats sont massivement diffusés par les médias, qui ne s’embarrassent pas toujours des précautions méthodologiques suggérées par l’OCDE. Résultat : une pression très forte des opinions sur les gouvernements.

Reproche collatéral, cette fois à l’endroit des gouvernements eux-mêmes : ces derniers s’emparent de Pisa pour justifier des réformes qu’ils n’osent pas assumer en leur nom propre. L’histoire la plus connue remonte à la naissance de Pisa : dans la première édition, l’Allemagne sort très mal classée. Cela crée un choc dans l’opinion et des réformes sont très vite entreprises. On appelle cela le « Pisa Choc », une sorte d’accélérateur des réformes, et des dizaines de pays à la peine essaient de rejouer cette partition, de créer un « Pisa Choc » pour débloquer des situations complexes.

Pisa parfois bancale comme la Tour de Pise

Oui. Premier reproche : Pisa a démultiplié le recours aux tests standardisés pour évaluer le niveau des élèves. Ils citent l’exemple des Etats-Unis, qui utilisent ce genre de tests, en dépit de leurs imperfections méthodologiques, pour classer les étudiants, les enseignants ou les personnels administratifs. Ce programme baptisé Race to the top permet de répartir 4 milliards de dollars d’aide en fonction des résultats obtenus par les différentes Etats, qui se retrouvent en compétition les uns contre les autres. Deuxième reproche : Pisa incite à prendre des mesures à court terme, pour essayer de monter dans le classement, alors que les vrais changements prennent du temps. Les auteurs citent en exemple le statut social des enseignants : plus ils sont reconnus, y compris financièrement, plus l’impact sur la qualité de l’éducation est important, mai cela ne se fait pas en un jour.

Pisa réduit en outre la performance à quelques disciplines…

Oui. La lecture, les mathématiques, les sciences… Or l’éducation touche aussi au développement physique, moral, civique, artistique… Toutes choses qui rentrent difficilement dans les cases des statisticiens. Pisa est en train de réduire l’horizon et les objectifs des systèmes éducatifs expliquent les signataires. L’OCDE, poursuivent-ils, s’intéresse par nature à l’impact de l’éducation sur le développement économique, mais ce n’est pas sa seule mission. Critiques aussi sur la méthode de recueil des données avec un soupçon de conflit d’intérêt : dans certains pays, les tests sont confiés à des entreprises privées qui, par ailleurs, vendent des services aux écoles. Elles sont juges et parties et les auteurs laissent entendre, sans le dire, qu’elles pourraient être tentées de noircir le tableau pour, dans la foulée, vendre leurs solutions. Enfin les auteurs dénoncent la contribution de Pisa en particulier et des tests en général à la montée du stress, aussi bien celui des enseignants que celui des élèves.

Font-ils des propositions pour améliorer Pisa ?

Plusieurs. Cesser de comparer selon les mêmes critères pays riches et pays pauvres : les contextes sont tellement différents que les résultats n’ont aucun sens. Concevoir les tests pas seulement avec des statisticiens ou des économistes mais aussi avec des parents, des enseignants, des personnels d’éducation, etc. Introduire des notions telles que la santé, le souci du développement durable, du bien-être voire du bonheur à être élève ou enseignant. Publier les résultats moins souvent pour atténuer la pression.

L’OCDE a-t-elle réagi à ces critiques ?

Andreas Schleicher, cité par le Guardian, défend la méthodologie et affirme que Pisa, à l’inverse de ce que disent ses détracteurs, invite justement les pays à regarder e qui se fait ailleurs et à s’en inspirer pour innover.

Accusations fondées ?

En partie oui, mais Pisa est en fait un mastodonte statistique qui permet aussi à travers ses questionnaires complémentaires de rendre compte d’aspects que mentionne cette pétition – par exemple autour du rôle des parents, de la façon dont la motivation se construit, de la formation des enseignants ou encore autour du lien entre bonheur d’étudier et résultats scolaires. Ce qui me semble le plus discutable c’est l’emprise de Pisa sur les opinions et les gouvernements autant si ce n’est plus que la façon dont Pisa est conçu.

 

 

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