Cet article date de plus de dix ans.

Le blues des jeunes diplômés

On le rappelait chiffres à l'appui il y a tout juste une semaine lors de notre émission spéciale sur l'emploi : le diplôme reste la principale garantie anti-chômage. Et pourtant les jeunes diplômés ont des doutes...
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
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C'est ce dont témoignent  les résultats du troisième Baromètre de "
l'Humeur des jeunes diplômés " Deloitte/Ifop
 : il interroge des
jeunes diplômés de l'enseignement supérieur depuis moins de trois ans, en
recherche d'emploi ou en poste en entreprise. Résultat : un sur deux voit
l'avenir en noir, et seuls 37% considèrent que le diplôme permet de trouver un
emploi plus facilement.

Non sans quelques
raisons...

Eh oui car 49% d'entre eux sont en recherche d'emploi – c'est
4% de plus que l'an passé. La durée de recherche d'un emploi s'est également
allongée en 2014 : elle dépasse cinq mois, soit sept semaines de plus qu'en

  1. 56% d'entre eux déclarent en outre ne pas trouver d'annonces correspondant
    à leur profil. Conséquence : un certain nombre de ces jeunes diplômés sont
    en train de perdre espoir.

En plus, tous les
diplômés ne sont pas égaux face au marché de l''emploi...

Effectivement. Les jeunes diplômés interrogés déclarent
avoir eu en moyenne 3 entretiens d'embauche au cours des six premiers mois de
recherche d'emploi, chiffre stable depuis 2013. Mais c'est une moyenne qui
cache de fortes disparités : ceux qui sont issus de licence et 3e cycle
universitaire sont 1 sur 2 à indiquer n'avoir eu aucun entretien.

Résultat, ils sont prêts
à chercher ailleurs...

Oui. 27% des jeunes diplômés en recherche envisagent d'aller
voir à l'étranger, dont un tiers sont issus des grandes écoles et 45% de 3e
cycle universitaire. Si on essaie de formuler les choses de manière un peu optimiste,
ceux qui s'en sortent le mieux, assez logiquement, sont ceux qui peuvent
afficher l'expérience professionnelle la plus dense – prime aux stages et à l'alternance
-, et ceux qui peuvent s'appuyer sur un bon réseau de relations – cela renvoie
à l'efficacité des services d'aide à l'emploi dans les établissements et à la
vigueur des associations d'anciens. Les universités ont fait d'immenses progrès
en ce domaine depuis dix ans, mais elles restent moins performantes que les
grandes écoles dont les relations avec le monde de l'entreprise font partie de
l'ADN.

Cela va avec une vision
très utilitariste du monde de l'entreprise.

Oui. L'entreprise est majoritairement vue – 63% - comme un
lieu où gagner sa vie, pas comme un espace où on va s'épanouir et 68% des
jeunes diplômés se disent méfiants vis-à-vis des entreprises, un chiffre en
hausse de 5% par rapport à l'an passé. Ça va aussi avec une vision assez grise
de la France. 81% des jeunes diplômés estiment que notre pays présente des
atouts pour leur avenir professionnel mais regrettent en large majorité le
manque de possibilité d'innover et de créer en France.

D'où l'appel de l'étranger...

Oui, et ça va assez loin au moins dans les têtes puisque 28%
des répondants de cette enquête envisagent l'expatriation pour toute la durée
de leur carrière. Ils seront évidemment moins nombreux à franchir le pas. Le
Canada arrive comme souvent en tête des destinations souhaitées avec 37% de
citations, juste devant les Etats-Unis (32%). En revanche l'eldorado asiatique
ne fait pas rêver puisqu'il ne séduit que 13% des sondés – un chiffre qui
confirme ce qui se dit de plus en plus dans les grandes écoles : ces
dernières ont multiplié les programmes conjoints voire les implantations en
Asie mais elles peinent souvent à trouver des candidats.

La morosité française
est la seule explication à cette tentation d'aller à l'étranger ?

Non. Je cite les auteurs de cette étude : " L'expatriation
est subie mais elle est aussi en majorité choisie et motivée par la volonté de
travailler dans un environnement culturel différent (58%), de progresser dans
une langue étrangère (45%) et d'enrichir son CV (44%). "

Il y a quand même quelques
bonnes nouvelles dans ce baromètre, notamment du côté de la stabilité de l'emploi
quand on arrive à en trouver un...

Oui. Le taux de jeunes diplômés en poste a diminué, en
revanche la stabilité des emplois occupés s'est renforcée  avec 77% des jeunes diplômés en poste interrogés
qui occupent un CDI, c'est une hausse de 9 points par rapport à 2013. Ces
jeunes diplômés ont en moyenne envoyé 27 CV (c'est 11 de plus que l'an passé)
et ont consacré 11 semaines à leurs recherches. Les grandes écoles continuent d'être
un passeport pour l'emploi avec 76% des diplômés depuis moins de trois ans en
poste actuellement et occupant un CDI en grande majorité (84%)

**Et là, une fois ce
premier pas franchi, la satisfaction est au rendez-vous

**

Oui, et elle contraste avec la défiance qui s'exprime
pendant la recherche. Une majorité des jeunes qui ont trouvé un emploi sont
confiants dans leur environnement de travail actuel. 84% d'entre eux estiment
que les promesses qui leur ont été faites au moment de l'embauche ont été
tenues et 59% d'entre eux affirment qu'ils seront fidèles à leur employeur ;

Contraste important donc
entre ceux qui sont tirés d'affaire et ceux qui cherchent encore...

C'est ce que soulignent les auteurs de l'enquête : "
Sans surprise, disent-ils, on constate un fossé grandissant entre jeunes actifs
et jeunes en recherche d'emploi pour qui la recherche s'installe dans la durée
sans toutefois voir le nombre d'entretiens augmenter. ". Ils concluent
sur, je cite " la nécessité de repenser les programmes de formation afin
qu'ils soient plus en adéquation avec la réalité du marché de l'emploi et les
attentes du monde de l'entreprise "

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