Numérique : l'école au milieu du gué
Événement
organisé par l'Association nationale des acteurs de l'école dont la présidente,
Michelle Laurissergues, était hier notre invitée sur France Info. Il a réuni
plusieurs centaines de professionnels de l'éducation.
Et
la star, notamment en primaire, c'est la tablette.
Incontestablement.
Reliée au tableau interactif qu'on ne présente plus. Les applications à usage
éducatif se multiplient, dès la maternelle. Exemple avec les jeux de Marbotic, c'est très
malin : les enfants de maternelle commencent à se familiariser avec les nombres
et avec l'addition grâce à un système qui mêle les bonnes vieilles formes en
bois et la tablette. Vous posez un 3, en bois, sur l'écran, il le reconnaît et
vous pouvez ensuite jouer avec les nombres, additionner, soustraire, etc. Ce
mélange entre numérique et outils classiques revient d'ailleurs côté lecture avec
ces applications développées par Bayard Education à partir de héros des
journaux pour enfants du groupe. On lit, sur papier ou sur écran, puis on
réalise une petite série d'exercices, c'est très vivant.
Pourtant
à ce jour aucune étude ne prouve que la tablette ou le tableau interactif permettent
d'apprendre vraiment mieux...
C'est vrai. On
manque de recul et les résultats des enquêtes sont assez hétérogènes. L'une
d'entre elles, réalisée sur 6000 élevée, vient de sortir au Québec - vous la
trouverez le site Le Café pédagogique. Elle porte sur l'usage des tablettes.
Elle indique que 56% des élèves mais seulement 23% des enseignants sont
satisfaits de l'expérience. Et elle confirme la nécessité de prévoir des
environnements spécifiques. Un tiers des élèves admet en effet qu'il lui arrive
de jouer, et en règle générale les enseignants trouvent que cela accroît les
risques de distraction. Mais les éditeurs d'applis travaillent sur le sujet et
on voit de plus en plus d'offres, y compris grand public, de tablettes
éducatives avec des univers fermés.
Beaucoup
d'initiatives sont aussi portées directement par des enseignants.
Oui, comme ce
cours inversé mis en œuvre dans au collège Argote d'Orthez, à côté de Pau, qui
accueille beaucoup d'élèves en situation
de grande fragilité sociale, cours de français en l'occurrence. L'enseignante,
Marie Soulié, a enregistré des petites capsules vidéo de 5' maximum dans
lesquelles elle présente une notion. Les élèves doivent la regarder le soir à
la maison, ou au collège en 16h et 17h pour ceux qui n'ont pas d'accès à
internet chez eux. La vidéo est assortie de petits quizz très simple : il faut
dire de quoi ça parle, indiquer si on a des questions. Le soir, l'enseignante
peut savoir quels élèves ont regardé, ce qu'ils ont compris, identifier ceux
qu'il faudra suivre particulièrement. Le lendemain la notion est reprise en
cours, d'abord collectivement - les élèves reformulent ensemble - puis par
l'enseignante.
Entre
l'enregistrement des capsules vidéo et la préparation des cours chaque soir,
cela change complètement le métier...
Oui, et elle
espère d'ailleurs le renfort d'autres enseignants pour venir à bout de toutes
ces notions, l'idée étant de partager les ressources pédagogiques. Il est trop
tôt pour dire si ça change les choses en matière d'apprentissage, mais ça les a
déjà changé en termes d'engagement des élèves, de motivation, et c'est énorme.
Autres dispositifs amusants, qui mêlent objets physiques, électronique et
numérique, ceux que propose le site secouezlecours.fr. Il propose de démonter
des objets contenant de l'électronique puis de les modifier avant de les
remonter ; il utilise aussi les propriétés conductrices du corps ou de la
matière pour détourner des objets familiers...
L'institution
soutient ces efforts individuels ?
Officiellement
oui. Tout cela est censé s'inscrire dans le cadre de la "stratégie
numérique" de l'Education nationale. Et quand on voit la profusion
d'initiatives présentées aux Boussoles du numérique on se dit que les choses
avancent. Mais en marge des présentations officielles beaucoup d'acteurs
témoignent de leurs difficultés quotidiennes. Ici un collège se demande comment
s'équiper en haut débit quand cela coûte 2000 euros par mois et que le budget
ne suit pas, dans beaucoup d'endroits on déplore le manque de personnels pour
assurer la maintenance, pour résoudre les bugs. Les inégalités d'équipement
sont flagrantes. Là c'est un inspecteur qui n'a pas envie de comprendre le
message officiel et qui fait tout pour mettre des bâtons dans les roues aux
professeurs des écoles en multipliant les tracasseries administratives
Donc
on est vraiment au milieu du gué...
Oui. Ça bouge, c'est
incontestable et d'ailleurs les Boussoles du numérique ont accueilli plus de
monde que la manifestation jumelle qui s'était tenue l'an passé. Il y a aussi
désormais des référents numériques dans les académies. Et puis le discours
général de l'institution a évolué. Mais il faudra encore beaucoup de patience
et sans doute de courage aux enseignants qui se sont lancés dans l'aventure.
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