Spécial innovation : les enjeux de Wise 2013
Wise pour World Innovation
Summit for Education, sommet mondial pour l'innovation éducative, il se déroule
tous les ans depuis 2009 à Doha, à l'initiative de la Qatar Foundation. Plus
d'un millier d'acteurs de l'éducation venus du monde entier vont se rencontrer
et débattre à partir de demain et jusqu'à jeudi.
Vous y serez et vous nous
appellerez tous les jours en direct... Qu'attend-on d'un tel sommet ?
Ce qui se joue c'est d'abord
la circulation des pratiques. C'est un sommet qui fait la part belle à
l'expérience autant si ce n'est plus qu'à la science ; des entrepreneurs
sociaux et des décideurs viennent raconter ce qu'ils font et non pas
disserter sur ce qu'il faudrait faire. Ils sont d'ailleurs récompensés par des
Wise Awards – disons que si Wise est un peu le Davos de l'éducation ces Awards
sont les Oscars de l'enseignement.
Et ces innovations sont
transposables ?
Non et oui. Non si on
raisonne en termes de système éducatif. Chaque pays a son organisation, ses
traditions, ses enjeux, ses moyens aussi. Prenez le simple exemple de la
Finlande, qui caracole en tête des évaluations internationales depuis dix ans
et qui sera représentée à Wise, eh bien on ne peut pas imiter tel quel ce
système qui est intimement lié à la structure de la société, à ce qu'elle
attend de son école, et qui s'inscrit en outre dans une réalité sociologique
différente de la nôtre.
Oui, si on raisonne au
niveau de la classe ou de l'établissement. Et c'est d'ailleurs une tendance
forte aujourd'hui. La conviction que la révolution éducative se fera par la
base, par les pratiques. Et de ce point de vue, un sommet comme Wise est extrêmement
utile car tous les pays, malgré leurs différences, sont confrontés aux mêmes
problématiques.
Par exemple ?
Le manque de moyens. Soit
parce que les pays vivent sur un moins grand pied qu'avant – raréfaction de la
ressource publique, c'est le cas des pays occidentaux. Soit – et c'est le cas
de la majorité des pays – à cause de la pauvreté. On voit ainsi se développer
la notion d'éducation frugale ou d'innovation frugale avec des expériences
anciennes comme " The hole in the wall ", en Inde, portée par Sugata
Mitra – on encastre un ordinateur dans un mur et les enfants apprennent à s'en
servir par eux-mêmes. Variante au Kenya et en Ouganda avec le projet Bridge,
qui utilise des tablettes numériques pour pallier le manque d'enseignants. 130
écoles low cost ont pu ouvrir.
On essaie de se passer des
enseignants...
En tout cas de faire plus
avec moins, à la fois grâce au numérique – on peut industrialiser la diffusion
des savoirs académiques - mais aussi en s'appuyant sur le désir d'apprendre
naturel chez les enfants, sur le jeu ou encore sur leur capacité à coopérer
spontanément. On peut apprendre les uns et des autres. C'est un sujet dont on
parle peu en France mais qui faisait la Une du Times Educational Supplement de
la semaine dernière, en Angleterre. La place et le rôle des enseignants seront
néanmoins interrogés directement lors de Wise, notamment autour de l'avènement
des Moocs, les cours massifs en ligne dont on parlait vendredi avec François
Taddéi. Quelque chose est en train de se jouer, au niveau mondial, de la
maternelle au supérieur, quant à l'économie de la transmission des
connaissances. On sent qu'on peut industrialiser une partie du travail tout en
individualisant plus et mieux le suivi des élèves et des étudiants. C'est une
révolution copernicienne à laquelle s'intéressent aussi bien les pays riches
que les pays pauvres.
Autre sujet
transnational : l'étude des sciences...
Oui, des sciences et des technologies. Problème mondial, qui s'exprime à des
niveaux différents là encore selon les pays mais avec la même acuité. Comment
faire face à la désaffection pour les études scientifiques ? Comment aussi
attirer plus de filles ? Mais l'autre question qui se pose est
aussi : a-t-on à ce point besoin de sciences comme outil de sélection... Ne
faut-il pas mieux reconnaître la créativité ? On a déjà parlé sur France
Info de Ken Robinson, chercheur anglais qui milite en ce sens, mais le débat
est également vif en Allemagne où l'un des philosophes les plus médiatiques
outre-Rhin, Richard David Precht, a publié un livre coup de poing à la rentrée.
Plusieurs ministres feront
le déplacement, mais pas de ministre français...
Pas cette année. Luc Chatel
y avait été mais Vincent Peillon, après avoir dit-on beaucoup hésité, a décliné
l'invitation.
Un lien avec le contexte et
ces informations sur les conditions de travail des ouvriers sur les chantiers
de la coupe du monde de football au Qatar ?
Non. C'est vrai que ce
sommet tombe au bon moment pour redorer l'image du Qatar mais le refus de
Vincent Peillon est antérieur. En outre Wise existe depuis cinq ans, la Qatar
Foundation depuis 20 ans et elle consacre l'essentiel de son activité à
l'éducation au Qatar lui-même et pas à essayer de produire de l'influence à
l'extérieur. Il faut bien voir que ce pays a connu une richesse subite grâce au
gaz et au pétrole mais qu'il sait que ces ressources ne sont pas éternelles. Il
investit des sommes pour nous inimaginables à l'échelle d'un pays de 2 millions
d'habitants dont seulement 10% sont qataris pour préparer l'étape
suivante : devenir leader des industries de la connaissance. On n'est pas
dans la communication à la petite semaine ou dans la réponse tactique à un
problème d'image mais bien dans une stratégie de long terme.
Coup
d'envoi de Wise, demain matin. On vous retrouve donc en direct de Doha, et
comme toujours sur franceinfo.fr
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