Éducation : "On est face à un vrai problème, de rendre les maths positives, c'est un phénomène d'organisation du travail, de motivation", estime Jean Viard
Les maths seront de retour comme matière obligatoire, à la rentrée prochaine, pour tous les élèves de 1ere et de Terminale. En quoi est-ce important d'aimer les mathématiques ? On se pose cette question de société, parce que nous faire aimer les maths, c'est précisément l'objectif de la Maison Poincaré, le tout premier musée des mathématiques de France, qui ouvre ses portes samedi 30 septembre, à Paris. Un projet insufflé par le célèbre mathématicien et ancien député, Cédric Villani.
franceinfo : Pourquoi c'est important de nous faire aimer les maths, Jean Viard ?
Jean Viard : Les maths, c'est d'abord une exigence de l'esprit, donc c'est sa forme. C'est un peu comme d'apprendre le latin, le grec, ce qu'on fait moins aujourd'hui, mais ça structure la pensée, en fait. Et puis, ce qui est vrai, c'est qu'on est dans un monde numérique, on est dans un monde de l'intelligence artificielle, donc dans une immense période scientifique et technologique. Or, on recule.
En Europe, par rapport à la moyenne européenne, il y a un chiffre qui est toujours donné, c'est 527 dans les classements, c'est la moyenne, nous, on est à 488. En soi, c'est l'écart qui est intéressant, donc on est en dessous, mais plus préoccupant, en 20 ans, on a énormément baissé. On était à 64% des jeunes Français qui étaient classés dans "les élevés" en maths, et on est passé à 11%.
C'est si important cette question des maths que l'Etat est revenu l'an dernier sur cette réforme Blanquer, qui avait supprimé l'enseignement obligatoire des mathématiques dès la classe de 1re. Donc, plus que dans le musée qui va ouvrir aujourd'hui, nous faire aimer les maths, ça passe par l'école ?
Bien sûr, ça passe par l'école, et ça passe par le fait que l'enseignement des mathématiques, les gens le perçoivent comme utile, qu'on leur fasse calculer des choses de leur quotidien, de leur vie. Du coup, ça leur sert. Et ce sont les fondamentaux qui sont importants en mathématiques, parce qu'après, ça devient un jeu. Mais si les fondamentaux ne sont pas là, vous souffrez comme un malheureux en permanence, et ça devient une véritable punition.
Et puis, il y a aussi l'idée qu'en France, on a beaucoup utilisé les maths pour sélectionner. On a un peu l'image qu'on doit faire des maths à un niveau incroyable pour aller en médecine, et tous ceux qui ratent en maths, peut-être qu'ils auraient été les meilleurs médecins du monde, avec de l'empathie pour les malades. Donc, on s'est aussi servi des maths, comme une arme de combat pour mettre de l'ordre.
Mais après, la position de Monsieur Blanquer, ce qui est grave, c'est : est-ce qu'il faut faire une heure et demie ou pas, de maths en terminale, quand on n'est pas dans une section de mathématiques ? Mais c'est un signal fort, c'est dire : au fond, les maths, c'est pas très important, si vous n'êtes pas un spécialiste. Il y a une culture française traditionnelle, bâtie sur "les humanités", comme on disait dans le temps, c'est ça que ça symbolise pour les jeunes. C'est : bon, si tu n'es pas spécialisé en maths, tu n’en as rien à faire, mais c'est très mauvais, alors les maths sont de retour dans les classes de 1re et terminale, l'année prochaine.
Mais ce qui me préoccupe, c'est qu'on peut avoir un ministère et un gouvernement où on a pris cette décision, qui est extrêmement dangereuse. Et en plus, il y avait à l'époque, des Cédric Villani, celui qui est donc à l'origine du musée, avec le président Hollande. Donc, c'est complètement contre intuitif comme décision.
Ce musée, la Maison Poincaré à Paris va recevoir beaucoup de scolaires, notamment des classes de quatrième. On dit que c'est là souvent, qu'il y a un décrochage des maths, et on a l'impression que ça rebondit au fil des ans, et des générations, parce que il y a une pénurie d'enseignants, et les enseignants qui manquent le plus, et c'est structurel depuis des années, ce sont les profs de maths ?
Ben oui, parce que le problème, c'est que c'est un marché, l'enseignement. Si vous avez une discipline, et à côté, avec la même compétence, vous avez des offres d'emploi dans le numérique, dans l'informatique, beaucoup mieux payées et complètement attractives, il y a une concurrence. Il y a à peu près 20 ans, au Capes de mathématiques, on prenait 1 candidat sur 8. Aujourd'hui, on prend moins d'1 candidat sur 2, ce qui veut bien dire qu'il y a moins de candidats, et on peut se douter que s'il y a moins de candidats, ceux qu'on prend sont plutôt moins bons. C'est une probabilité, mais c'est assez logique de penser comme ça.
Donc c'est un problème de fond, on a cette espèce d'imaginaire des maths, qui serait effectivement comme un repoussoir, y compris l'usage qu'on en fait dans les sélections. Donc on est face à un vrai problème, qui est de rendre les maths positives, c'est un phénomène d'organisation du travail, de motivation. Il y a aussi des pays où les enfants font la communale en nombre d'années différentes, parce que les enfants n'ont pas tous la même vitesse d'apprentissage. On peut faire une année de plus, non pas de redoubler, mais de retravailler là où on n'a pas été bon, de manière très ciblée.
Tous les enfants n'ont pas la même taille, le même poids, et la même époque de développement. Certains se développent plus tôt, d'autres plus tard. Je pense que la République doit apprendre la diversité et l'hybridité.
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