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Jean Viard : "Le Conseil national de la refondation doit dessiner un chemin vers demain"

Le sociologue et écrivain Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, estime que le Conseil national de la refondation, le CNR, aurait dû comporter des intellectuels, et qu'il devra, de toute façon, trouver les idées pour construire demain.

Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'installation du Conseil national de la refondation par Emmanuel Macron. (MICHEL EULER / POOL / AFP)

Le Conseil national de la refondation a été installé cette semaine par le président Emmanuel Macron. Toute la classe politique était invitée, certains partis ont choisi de décliner. Par contre, des acteurs importants de la société civile n'ont pas été conviés.

franceinfo : Cette absence, en particulier, des intellectuels et des artistes dans ce Conseil national de la refondation, vous choque-t-elle ?

Jean Viard : Il est assez curieux de vouloir penser les bouleversements du monde sans les penseurs, j'allais dire professionnels, et notamment les universitaires. Regardez aux États-Unis, l'importance de l'université dans le débat public, ou en Italie, le rôle de la fondation Agnelli. Étrange donc d'avoir exclu les intellectuels, tous ceux qui cherchent le sens et qui sont à la pointe de l'innovation. Au sein de ce Conseil, il n'y aura pas de prisme médiatique, ce qui évitera les postures.

Quand vous êtes à l'Assemblée nationale, vous prenez des postures à l'intention de votre électorat. Face au changement profond de civilisation que nous vivons – on est allé au bout de l'ère industrielle et du progrès pour entrer dans une guerre face au changement climatique – il convient de revoir tous les systèmes de décision. On ne peut plus séparer les paysans des écolos, les industriels des chasseurs, etc. Si ce Conseil devient un chaudron, sans postures, il peut en sortir quelque chose. Voilà pourquoi j'y aurais mis les intellectuels et les universitaires.

À vous entendre, la refondation est indispensable ?

Le monde change tellement vite. Certains sont payés pour l'observer et écrivent des livres, qui sont lus. Il y a des artistes qui font rêver autour de ça, qui créent des œuvres artistiques, des films, des tableaux, de la musique. Ainsi, petit à petit, le changement du monde s'instille dans nos cerveaux. C'est un processus long et complexe, on sait depuis 50 ans que le réchauffement climatique va arriver mais nous n'avons pas été assez rapide et donc on est en train de se faire dépasser.

Personne n'a les clés pour ouvrir la porte de sortie. S'il y en a un qui dit "J'ai les clés !", je crois qu'il a tort ; personne n'a vraiment les clés. Cela se jouera entre les lanceurs d'alerte qu'ont été les écolos, les industriels qui ont un rôle essentiel, les agriculteurs, indispensables pour nous nourrir et reconstituer le sol.

Conseil national de la refondation : un clin d'œil au Conseil national de la Résistance. Quel parallèle entre ces deux instances ?

Le CNR s'est tenu avant le débarquement de 1944. Ses membres ont pris le risque de se réunir, de se voir arrêter, torturer par les Allemands pour penser l'après-guerre, sans savoir quand cela arriverait. Ils auraient pu attendre des années, l'empire nazi aurait pu s'installer sur l'Europe pour très longtemps. Ils ont décidé d'élaborer un programme. La Sécurité sociale, le vote des femmes et tant d'autres décisions fondamentales ont été amorcées là.

L'enjeu, aujourd'hui, est de même nature, mais la société ne sait pas vraiment quoi faire. Peut-être sortira de ce Conseil national de la refondation un sentier qui deviendra le chemin vers demain.

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