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La Journée Paralympique à Paris : pour Jean Viard, "La solidarité avec les plus faibles, ça commence souvent par le regard et la parole"

À la veille de l'ouverture de la billetterie pour les Jeux olympiques, une grande journée du sport paralympique se déroule ce dimanche 8 octobre, dans la capitale. Pour sa seconde édition, la Journée Paralympique s'empare de la Place de la République, qui se transforme en arène pour les sports paralympiques.
Article rédigé par franceinfo - Benjamin Fontaine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La Journée Paralympique ce dimanche 8 octobre à Paris, place de la République, un rassemblement hors du commun autour du sport et des athlètes. (FEDERATION FRANCAISE HANDISPORT / MAIRIE DE PARIS / PARIS 2024)

C'est la grande journée du sport paralympique aujourd'hui à Paris, à la veille de l'ouverture de la billetterie pour les JO 2024, dans moins d'un an. On peut assister à des démonstrations place de la République, par exemple. Alors d'un côté, il y a cette mise en lumière, ces événements, mais dans la vie de tous les jours, il y a aussi les difficultés pour se déplacer, pour apprendre, pour travailler. Décryptage avec le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Comment expliquer ces écarts ?

Jean Viard : D'abord, ces Jeux paralympiques, c'est quelque chose de magnifique. C'est-à-dire se rendre compte que des gens qui ont perdu un bras, une jambe, leur vie n'est pas finie. On peut reconstruire une vie si on est soutenu, aidé, avec des handicaps de ce style, voire même des handicaps d'enfance, des phénomènes d'autisme, etc. Quand on accompagne les gens, on ne se guérit pas complètement, mais on peut avoir une vie.  

Après moi, ce qui me frappe dans ce pays : quand vous allez dans les pays scandinaves, vous avez l'impression qu'ils sont tous tombés de leur vélo, parce qu'il y a des types à chaise à roulettes partout. Mais non, il n'y a pas plus de handicapés que chez nous. Sauf qu'ils sortent, sauf que leurs maisons, leurs villes, leurs rues sont faites pour qu'ils soient dans l'espace public. Nous, traditionnellement, on ne voit quasiment pas de personnes handicapées. Mais c'est vrai aussi pour les personnes âgées, pour les mamans avec poussettes.

Donc, c'est vraiment une question, il y a des gens fragiles dans cette société. Il y a notamment les handicapés, il y a un million et demi de handicapés indemnisés, mais il y a beaucoup plus de handicapés que ça, de gens gênés, y compris, évidemment, le vieillissement de la population, qui sont des gens qui ont des problèmes de mobilité. Et donc la question, c'est : comment cette société va accepter que ceux qui ne sont pas jeunes, forts, et en bonne santé, font aussi partie de la société.

Un sujet de société autant qu'un sujet de santé, pourtant, les personnes handicapées disent souvent qu'elles ont le sentiment de ne pas intéresser les politiques. C'est un sentiment justifié, selon vous ? 

L'État peut produire des normes, par exemple les normes qu'on a pris sur le logement. Maintenant, toutes les salles de bains doivent être ouvertes aux handicapés, à ceux qui roulent en chaise à roulotte pour entrer dans la salle de bain. Il y a eu débat. Est-ce qu'il faut l'imposer à tous les logements ou est-ce qu'il faut l'imposer qu'aux rez-de-chaussée, pour essayer que ça n'augmente pas les prix du logement ? Parce qu'avec la crise du logement, à force de produire des normes très positives, on fait exploser les prix, on ne construit plus. Donc la question est compliquée.

Dans les villes, c'est pareil. J'ai été élu à Marseille, il y avait une seule station, où il y avait un ascenseur pour descendre. Ça ne sert à rien, évidemment. Mais quand on a fait le métro, il y a 30 ou 40 ans, on n'avait pas pensé aux ascenseurs. Donc l'État a tendance à produire des normes. Alors, il y en a qui ont été mis en place : souvent les trottoirs, il y a un endroit pour passer avec une poussette, une chaise roulante, on a fait baisser le trottoir en face du feu rouge et du passage piéton. Souvent à l'entrée des services publics, les mairies, les bureaux de poste, etc. Vous avez un accès handicapé, donc on ne peut pas dire qu'on n'a rien fait.

Mais le problème, c'est que ça coûte des sommes absolument astronomiques, parce que comme ce n'est pas intégré dans le cadre bâti, ça coûte extrêmement cher. Produire des normes en chambre, c'est assez facile. Trouver les financements pour les réaliser, c'est extrêmement compliqué. Je ne crois pas que les pouvoirs publics ne s'y intéressent pas. Mais je pense que souvent après, quand vous êtes au moment de la prise de décision, c'est une question de budget. Il faut tenir compte de l'économie. Ce n'est pas honteux de dire ça. Mais en même temps, comment on fait pour prendre des décisions qui soient applicables ?

Selon vous, malgré tout, est-ce que ces Jeux paralympiques sont l'occasion de faire avancer l'inclusion dans la société, et la vie quotidienne aussi des personnes qui sont en situation de handicap ?

Les conditions de vie, je ne sais pas, mais le fait effectivement de leur donner une place mondiale, de les valoriser avec les concours, il y a du monde qui va assister à ces Jeux, je pense que c'est un geste profondément humaniste, et vous savez, la solidarité avec les plus faibles, ça commence souvent par le regard et la parole.

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