Cet article date de plus d'un an.

"La liberté de l'IVG doit revenir en premier aux femmes, qui ont le droit de disposer de leur corps", selon Jean Viard

Le président Emmanuel Macron envisage d'inscrire dans la Constitution la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse. Le sociologue Jean Viard revient sur cette annonce, et retient surtout le mot "liberté".
Article rédigé par franceinfo - Jean Viard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un slogan écrit dans les rues de Nancy lors de la journée mondiale de droit à l'avortement, en septembre dernier. (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Le sociologue Jean Viard répond chaque samedi et dimanche à une question de société. Ici, l'annonce du chef de l'Etat de vouloir inscrire dans la Constitution française la liberté de recourir à une interruption volontaire de grossesse.

franceinfo : En quoi est ce utile, aujourd'hui, en 2023, d'inscrire une telle liberté dans la Constitution ?

Jean Viard : La première chose que je retiens, c'est le mot "liberté", parce qu'il est moins fort que le mot droit. Si on dit que c'est un droit, cela signifie que n'importe quelle infirmière ou n'importe quel médecin ne pourra pas refuser de pratiquer une IVG. Si on dit c'est une liberté, le soignant aura celle de refuser, compte tenu par exemple de ses opinions philosophiques. Le mot liberté est plus beau mais il est moins puissant en termes juridiques que le mot droit. La deuxième chose, c'est que sur ces sujets, les hommes doivent laisser les femmes choisir ce qu'elles veulent, parce que la vraie question est le droit à disposer de leur corps. Quelque part, je dirais que nous, les hommes, ça ne nous regarde pas. Il faut abandonner l'idée qu'on décide pour les femmes.

Quel est votre regard sur le clivage pro et anti IVG, qui justifierait peut être d'inscrire une telle liberté dans la Constitution ?

Il faut l'inscrire dans la Constitution, même si cela ne garantit rien parce que ce qui est inscrit dans la Constitution peut être effacé par une autre majorité politique, mais c'est un pas important, positif. On est dans une période où l'on conteste de plus en plus aux femmes le droit à disposer de leur corps. Le meilleur exemple, c'est l'apartheid qui est en train de naître en Afghanistan, qui est tragique. C'est comme en Iran, où les petites filles peuvent être mariées à partir de neuf ans. Il y a un mouvement pour reprendre pouvoir sur le corps des femmes qui est un mouvement éternel des sociétés, qui doit être un combat qui ne s'arrête jamais.

Gisèle Halimi le disait extrêmement bien, un combat n'est jamais définitivement gagné sur ce sujet, notamment quand il y a des forces du populisme. Rappelez vous comment Trump parlait des femmes. Souvenons-nous aussi comment au XIXᵉ siècle l'Église a poussé à la multiplication des enfants parce qu'il perdait le pouvoir sur le politique. En poussant les femmes à avoir beaucoup d'enfants, elle espérait que cela augmente le nombre des catholiques, donc lui redonner de l'influence. La bataille n'est jamais terminée et ne sera jamais terminée parce qu'il y a une question de pouvoir sur la natalité, sur le plaisir, qui sont des enjeux où sans arrêt il faut se battre pour que les femmes défendent leurs droits. Tant qu'il n'y aura pas de femmes prêtres dans l'Eglise catholique, il n'y aura pas une réelle égalité.

Est ce que cela aurait eu du sens de soumettre cette proposition à référendum ?

Qu'est ce qui serait sorti d'un référendum ? C'est extrêmement compliqué de répondre à cette question parce qu'il y a des forces qui sont contre et un pouvoir masculin qui reste fort. On touche l'équilibre de notre société : le statut des femmes est, je pense, la plus grande révolution du XXIᵉ siècle. L'idée que les femmes ont un pouvoir sur elles-mêmes et qu'elles ont le même pouvoir que les hommes en politique, en économie, dans l'art, etc. Mais on voit bien que cette révolution clive le monde entre ceux qui sont radicalement contre et ceux qui sont l'avant garde.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.