Le marché de la seconde main explose. Pour le sociologue Jean Viard, "l'économie circulaire tend à prendre le dessus"

À l'image de la braderie de Lille – qui aligne ce week-end 51 kilomètres d'étals et 5 000 exposants pour 2 millions et demi de visiteurs –, les vide-greniers ont la cote en France.
Article rédigé par franceinfo - Jean Viard - Benjamin Fontaine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
La braderie de Lille attire chaque année 2 millions de visiteurs en quête d'objets de seconde main. (SEBASTIEN COURDJI / MAXPPP)

Qu'elles s'appellent braderies, brocantes, puces ou vide-greniers, les manifestations de vente en seconde main prennent de l'ampleur depuis plusieurs années. Le sociologue Jean Viard porte son regard sur le phénomène.

franceinfo : Qu'est ce qui explique un tel essor des braderies en France ?

Jean Viard : Il y a d'abord une recherche de lien social. Ce sont des lieux où l'on se rencontre, on plaisante, on drague, on boit et on se retrouve aussi dans une forme de festivité publique comme au marché de Noël de Strasbourg ou au festival d'Avignon ; tout cela se transforme en fête. Ensuite, historiquement, les objets d'occasion avaient une valeur différente, c'était chic : un vieux meuble, une maison ancienne, une œuvre d'art, etc. La société de consommation a poussé à ce qu'on ait des objets neufs mais, aujourd'hui, on change à nouveau de logique. L'occasion, la seconde main, le déjà utilisé ont pris une importance extraordinaire, que ce soit pour le livre, le vêtement, le cadeau, le jouet etc. Plusieurs raisons à cela : un coût moindre, une certaine fierté de posséder des objets "patinés", et un comportement plus raisonné pour la planète.

Fierté parce que c'est tendance et fierté de moins polluer ?

Exactement ! Il y a des questions de mode, bien sûr, et il y a des questions écologiques. Les Français, ont massivement accompli des efforts en matière d'écologie et d'environnement. On s'est, par exemple, mis à trier les poubelles très vite dans une société où cela n'existait pas. Et donc oui, il y a l'idée qu'on pollue moins et que cela a un effet positif sur l'avenir du monde...

Mais n'est-ce pas une façon de se donner bonne conscience ?

Pas seulement bonne conscience ! C'est un acte. Ce serait une "bonne conscience" si on n'agissait pas. De fait, on achète moins de vêtements neufs, il n'est qu'à voir la crise dans le secteur et toutes les enseignes qui ont disparu. Dans le secteur du livre, on a le même problème, entre les librairies et les livres neufs, et tous les sites de vente d'ouvrages déjà lus. Je crois que notre société s'engage sur un chemin qui va être plus vertueux, ce qui est, malgré tout, une bonne chose.

Pourtant vous le reconnaissez, il n'y a pas que des points positifs. Cela engendre des crises économiques ?

C'est vrai. On pourrait évoquer aussi les voitures d'occasion ou le marché du neuf en berne dans l'immobilier. Tout cela a des conséquences d'organisation : des marques disparaissent et d'autres activités de seconde main naissent. Sans compter qu'on a des logements plus petits que jadis. L'autre jour, j'étais chez un horloger qui me disait avoir un hangar rempli de magnifiques horloges comtoises, or personne n'en veut ! Qui met une comtoise chez soi aujourd’hui ? On stocke moins : les vêtements, les livres, les meubles etc. L'économie circulaire tend à prendre le dessus.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.