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Le rapport à l'armée en France : "Plus de 85% des gens se sentent proches de l'armée et soutiennent toutes nos interventions extérieures", estime Jean Viard

La Patrouille de France célèbre ses 70 ans. Cet anniversaire est fêté aujourd'hui samedi 20 mai, sur la base aérienne de Salon de Provence. L'occasion de parler avec le sociologue Jean Viard, de notre rapport à l'uniforme, à l'armée.
Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
11 mai 2023. Courcelles-lès-Montbéliard et Luxeuil Saint-Sauveur. Répétition du show des pilotes de la Patrouille de France (PAF) pour leur 70 ans. (Illustration) (LIONEL VADAM  / MAXPPP)

70 ans pour la Patrouille de France. Un anniversaire fêté aujourd'hui samedi 20 mai, sur la base de Salon de Provence. C'est une institution qui évoque toujours un certain prestige dans l'opinion publique. Décryptage avec le sociologue Jean Viard. 

franceinfo : Comment expliquer le succès de cette Patrouille de France auprès du public ? 

Jean Viard : Ça a changé selon les époques. Le rapport à l'armée en France, n'est pas continu parce qu'après la guerre d'Algérie, il y avait une image assez négative, et en plus, le service militaire était obligatoire. Et donc, l'armée ne faisait pas des efforts de communication pour expliquer l'intérêt des métiers, tout ce qu'on pouvait apprendre ; non, il y avait beaucoup de jeunes qui ne voulaient pas y aller. Il y avait une image extrêmement différente. 

Et ça s'est beaucoup amélioré depuis une vingtaine d'années. Maintenant, il y a plus de 85 à 87% des gens qui disent qu'ils se sentent proches de l'armée, et qui soutiennent toutes nos interventions extérieures. Donc, non seulement on a une armée qui nous protège dans un monde, où il y a plein de guerres – petites, mais qui pourraient grandir – mais aussi, on soutient des interventions comme la tentative d'apaiser la situation au Mali, ou au Kosovo, donc cette armée, elle est légitime à intervenir à l'extérieur, et l'arme nucléaire est devenue populaire, alors que dans les années 60, l'arme nucléaire était minoritaire dans la population. Il y a tout ça qui joue. Il y a une image positive, y compris parce qu'on a peur du contexte actuel.

Ça a augmenté pendant l'attaque russe en Ukraine. Il y a tout ce contexte qu'il faut poser et aussi maintenant, c'est une armée professionnelle. Et du coup, ceux qui vont à l'armée, aujourd'hui, sont souvent des gens qui ont envie de défendre le drapeau. Il y  a à peu près entre 30 à 35% des jeunes, il y a 20 ans, qui y allaient parce qu'ils avaient peur du chômage, et c'est énormément descendu. C'est un choix beaucoup plus positif qu'avant. 

On aime davantage l'armée depuis qu'on n'est plus obligé de la faire finalement ? 

Ah ben oui, c'est sûr, ce n'est plus une contrainte. Dans l'armée, ce qui est compliqué, c'est qu'à l'armée, il y a des périodes d'utilité, de guerre, et puis dans les années 60, l'armée, il y avait des centaines de milliers de jeunes, c'était d'abord le temple de l'ennui, vous passiez un an à tourner en rond, ce n'était pas du tout passionnant. Moi, je ne pense pas que le refus du service militaire à cette époque-là, c'était un phénomène antimilitariste, c'était plutôt l'idée de pourquoi j'irais perdre une année dans une caserne n'importe où, à ne rien faire ? Je ne suis pas sûr que ce soit de l'antimilitarisme, et je pense que, en cas d'urgence, on le voit très bien en Ukraine, d'un coup, la plupart des jeunes vont à l'armée parce qu'effectivement d'un coup, ils en ressentent l'utilité et la nécessité. 

C'est le souvenir de l'armée obligatoire qui fait que ça freine des quatre fers dès que le gouvernement parle de la généralisation possible du service national universel ? 

Le problème, c'est qu'on est une société extrêmement individuée. On n'appartient plus à des églises, à des partis, ou de façon très, très minoritaire. Donc comment recréer du commun ? Au fond, tout le monde cherche à recréer du commun. Alors, une des façons de recréer du commun, c'est effectivement de rassembler tous les jeunes 15 jours, ils passent quelques jours avec des militaires, quelques jours avec Emmaüs, quelques jours avec des gens qui font des maraudes, ou  avec des mouvements écologiques.

Donc, on leur redonne la culture de l'engagement. C'est ça l'enjeu. Aux Etats-Unis, un jeune quand il présente son CV pour un emploi, il y a la liste des engagements qu'il a eus. On considère qu'un type qui n'a pas fait d'associations caritatives, qui ne s'est engagé pour les pauvres, pour l'écologie, au fond, son éducation est incomplète.

Donc la vraie question, c'est comment l'engagement doit rentrer dans la vie des jeunes comme une chose normale qui va leur être compté, après. Il n'y a pas que le fait d'avoir suivi des cours. Il y a aussi, par exemple, d'avoir fait des maraudes, ce que beaucoup de jeunes ont fait pendant la pandémie. Est-ce que c'est à l'Etat de l'organiser ? Ça, c'est un débat de société. Les adultes sont majoritairement pour.

En soit, cette idée de recréer un commun comme un partage et une expérience partagée, c'est une bonne idée. Il me semble quand même que dans le monde de demain, le combat principal est climatique. Donc il faut d'abord engager les jeunes dans le combat climatique. Qu'ils donnent de leur temps, fassent du bénévolat, qu'ils se motivent et s'informent aussi, qu'ils soient très au courant. Mais la principale guerre, elle est quand même climatique, même si malheureusement, il y en a d'autres. 

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