Mobilisation contre un golf : "Arrêtons d'attaquer des groupes sociaux, c'est une mauvaise pente qu'il ne faut pas choisir", selon Jean Viard

Une manifestation se déroule aujourd'hui à Villeneuve-de-la-Raho, dans les Pyrénées-Orientales, pour dire non à un projet immobilier qui comprend un hôtel, des logements et un golf. Un projet immobilier lancé il y a une vingtaine d'années. Les travaux viennent de commencer.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un terrain de golf en Dordogne. (PHOTO AND CO / THE IMAGE BANK RF VIA GETTY IMAGES)

Une manifestation se déroule aujourd'hui samedi 16 mars dans la commune de Villeneuve-de-la-Raho, dans l'est du département des Pyrénées-Orientales, pour s'opposer à un projet immobilier et hôtelier avec un golf. Les travaux ont commencé en fin d'année dernière, et ce qui concentre les critiques des opposants, c'est évidemment ce golf dans un département qui connaît la pire sécheresse de son histoire depuis deux ans. Un projet lancé il y a une vingtaine d'années, contre lequel il y a eu plein de recours.

franceinfo : Les travaux viennent de commencer, mais il y a toujours cette opposition, Jean Viard...

Jean Viard : D'un côté, il y a le chemin de la loi qui a été suivi, et puis de l'autre côté, il y a le chemin du climat qui accélère et qui est imprévisible. Ce n'est pas les anciens contre les modernes. Dans le réchauffement climatique, il y a plusieurs choses : il y a la lutte contre le réchauffement qui est un vrai combat massif, et puis il y a l'adaptation, comment on va vivre ?

Les codes culturels, de pays à 300 ou 500 kilomètres plus au sud, se déplacent, donc en gros, dans la région de l'Espagne, ils sont dans la situation du sud du Maroc, et le sud du Maroc est dans la situation de Tamanrasset. Et ça signifie une chose : il y a des codes culturels construits par des civilisations depuis très longtemps, pour vivre avec un climat plus chaud. Donc la question de l'adaptation, c'est : est-ce qu'il y a des golfs dans le sud du Maroc, et s'il y en a, comment ils font ?

La maire de Villeneuve-de-la-Raho, Jacqueline Irlès, comme le promoteur de ce projet, explique que oui, il y a des solutions. L'eau utilisée pour arroser le golf sera issue d'une station d'épuration. C'est de l'eau de réutilisation comme on dit.

Jacqueline Irlès sur France Bleu Roussillon, cette semaine : "Je trouve qu'il n'aura jamais été aussi opportun ce projet, parce qu'il a anticipé le phénomène. Depuis des années, nous travaillons sur les besoins d'eau, sur cette récupération des eaux, et cette anticipation aux problèmes de sécheresse. Je suis persuadée qu'il y a des solutions, comme les ont adoptées les autres pays, et pourquoi nous, non ?"

Jean Viard, l'eau de réutilisation, voilà, c'est la solution ? 

C'est ce que nous disions au début, mais la question c'est que, comme on va manquer d'eau, cette réutilisation, elle va se généraliser, et donc est-ce qu'elle va servir pour l'agriculture, pour la vie quotidienne, pour l'industrie ou pour les loisirs ? Et je pense que ce qu'on ne sait pas en France, c'est avoir d'abord un lieu d'arbitrage légitime, qu'on reconnaisse les uns et les autres, en disant ces gens-là sont la référence, pour savoir s'il y a un problème ou pas, et où est-ce que le débat démocratique se forme ?

Parce qu'au fond, par bassin irriguant, il devrait y avoir un débat, et on dit : bon attendez, peut-être que là, on va enlever le maïs, on va mettre autre chose, on va mettre du chanvre, par exemple, qui consomme beaucoup moins d'eau, ou peut-être que si on veut développer le tourisme qui représente beaucoup d'emplois, on va protéger le golf. Mais à ce moment-là, on modifie l'agriculture.

À ce sujet, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, souligne exactement ce que vous nous dites : "La priorité d'usage de l'eau, dit-il, ne pourra jamais être le golf, et donc les exploitants doivent savoir qu'ils prennent le risque d'avoir un golf qui soit un paillasson, et que peut-être, ils peuvent inventer un nouveau modèle sur le golf de cette façon-là". C'est un peu plus qu'une boutade donc ?

Jean Viard : Oui, c'est plus qu'une boutade, après, il est ministre de l'Agriculture, donc il défend l'intérêt de l'agriculture, c'est son boulot, il a intérêt à le faire. Mais moi, je considère qu'il y a différents types d'usages. Ce n'est pas illégitime d'avoir un golf qui autour de lui, va attirer des centaines d'emplois, des résidences, etc.

C'est la question de l'échelle des priorités ? 

Oui effectivement si dans ce territoire-là, il y a une agriculture économe en eau, mais elle en a besoin, on lui donne la priorité, je le comprends tout à fait. 

Et d'ailleurs la maire de la commune, Jacqueline Irlès, explique aussi qu'il n'y a pas d'exploitations agricoles, et que c'est un territoire en friche depuis des années. Et le golf, Jean Viard, c'est aussi un symbole, vu comme un sport de gens riches. D'ailleurs, pour la campagne des Européennes, La France Insoumise a une affiche en ce moment : "Les golfeurs votent, et vous ?" Il y a aussi ce symbole-là dans cette affaire ?

Il y a environ 500.000 golfeurs en France, ce n’est pas comme il y a 30 ou 40 ans, où on disait toujours le fisc visite les parkings de golf pour savoir qui ne paye pas ses impôts, aujourd'hui on n'en est plus là. Donc il y a une forme de démocratisation, une forme, et de l'autre côté, effectivement, il y a la question de l'eau. Ce sont deux sujets, et il ne faut pas les mélanger, parce que je n’aime pas qu'on attaque les pratiques minoritaires. Oui, il y a des minorités, religieuses, politiques, sportives, il y a des classes sociales plus aisées que d'autres. Après, les gens ont le droit de vivre comme ils veulent.

Je crois qu'il faut faire très attention à ne pas être dans une société d'interdits de la vie de l'autre. Après effectivement, on joue au golf où, comment on répartit l'eau, entre l'agriculture, la vie quotidienne, l'industrie et les loisirs. Parce qu'au fond, le golf c'est un peu comme les piscines, c'est : est-ce qu'à un moment, on pourrait dire : bah le loisir, au fond, ça sert à rien, il faut faire très attention. Une société bâtie sur le loisir, moi je ne considère pas le loisir comme secondaire. Donc arrêtons un peu d'attaquer tout le temps des groupes sociaux. Je pense que c'est une mauvaise pente, et je crois qu'il ne faut pas la choisir.

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