"Noël pourrait devenir la grande fête d'une société écologique où on consomme moins, parce qu'on est conscient que ça produit du carbone", selon Jean Viard

Nous sommes le dimanche 24 décembre, on est à la veille de Noël. Chez les chrétiens, Noël, c'est le 25, mais le réveillon, c'est bien sûr ce soir. Un peu moins de religion, une consommation plus responsable : ce Noël qui change, c'est la question de société que nous décryptons avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par Jean-Rémi Baudot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Noël, la fête des enfants, de la vie qui renaît. Une fête religieuse devenue une fête de l'enfance.(Illustration) (LILIYA KRUEGER / MOMENT R / GETTY IMAGES)

La fête de Noël change bien sûr avec le temps. Le réveillon du 24 décembre est toujours un moment de partage, un moment souvent en famille, et une période de solidarité avec les plus démunis et les gens qui vivent sans famille ou isolés. 

franceinfo : Jean Viard, en France particulièrement, Noël, c'est de moins en moins une fête religieuse ?

Jean Viard : Oui, c'est de moins en moins une fête religieuse, d'ailleurs, c'est pour ça qu'avant, le 24 au soir, on ne mangeait pas, parce qu'on attendait la messe de minuit, donc à minuit on était le 25, pour aller à la messe et on mangeait après.

Ce sont vos souvenirs de petit garçon ?

Oui, les années 60. Après, c'est une grande fête religieuse, bien sûr, pour les chrétiens. Il y a quand même encore 2 milliards et demi de catholiques, sans compter les autres chrétiens sur la planète. Mais en France, c'est vrai que plus de la majorité des gens ne se sentent pas liés à la religion. Et ceux qui sont liés à la religion ne sont pas que chrétiens. Il y a des musulmans aussi pour 9 à 10%. Donc c'est à peu près 30% des gens qui se sentent de culture catholique, et dans ce pourcentage, il y en a 4 à 8% qui vont à la messe de temps en temps, et parfois à la messe de Noël.

Donc ça reste une fête religieuse pour eux, mais c'est devenu la fête de l'enfance, la fête du cadeau. Et ce qui a beaucoup joué, c'est l'année 1981. On a donné la cinquième semaine de congés payés, et on l'a mise entre Noël et le jour de l'An. Avant, on travaillait entre Noël et le jour de l'An. Là, on aurait retravaillé lundi, donc la semaine entre les deux est devenue une semaine de vacances presque pour tout le monde, sauf pour les professionnels, les policiers, les pompiers, les cuisiniers, etc, donc on s'est mis à avoir 10 jours de vacances, qui font le pendant des 15 premiers jours d'août, où là aussi, tout le monde est à l'arrêt.

Mais ce n'est pas ça qui explique que Noël soit déconnecté de la religion ?

Non, mais ça explique que c'est un cycle de fêtes. On pense, en fait, dix jours de fête, avec d'abord la fête des enfants et les cadeaux, d'ailleurs, les grands-parents aussi, c'est une fête de trois générations. Et puis, il y a la deuxième fête qui est la fête de l'amour, de l'adolescence, qui est le nouvel An. Et c'est un cycle de fête qui marque le passage d'un monde à un autre, comme dans toutes les civilisations, on a toujours marqué l'hiver, où tout descend, les feuilles tombent, la nature se réduit, et puis jaillit la vie ,qui va arriver, l'enfant bien sûr, la naissance. Et je crois qu'il faut garder, cette fonction, de dire c'est le moment de la naissance, c'est le moment de la joie de vivre.

Si on descend dans la rue, et qu'on demande à quelqu'un, c'est quoi Noël, chez les chrétiens, peu de chance qu'on ait quelqu'un qui nous réponde que c'est la naissance de Jésus. Il y a quand même une sécularisation de notre société. La dimension religieuse s'éloigne et les pratiquants des autres religions fêtent aussi Noël, à leur manière ?

En partie, pas tous, il y a des musulmans qui ne le fêtent pas. Mais oui, bien sûr, c'est pour ça qu'il faut garder le sens, et les chrétiens sont venus rajouter la naissance de Jésus à ce moment-là, parce qu'avant, c'était déjà le moment de la naissance dans les cultures asiatiques, la fête du Têt, par exemple, donc partout, on célèbre la vie qui revient. Et les chrétiens sont venus mettre Jésus dans cette étable entre l'âne et le bœuf, parce que c'était le moment de la naissance, ils ont récupéré la symbolique, si on peut dire. Et aujourd'hui, effectivement, la symbolique diminue, mais reste l'enfance, la naissance, reste la vie.

L'enfance et les cadeaux, Noël, c'est quand même synonyme de fête de famille, synonyme de cadeaux. Et là, les pratiques changent aussi. Le marché de seconde main progresse. Les attentes changent, moins de consommation, peut-être différemment ?

D'abord, il y a moins d'enfants : le marché du jouet a perdu 10% de ses clients, parce que pour qu'il y ait des jouets, il faut qu'il y ait des enfants. Et effectivement, le cadeau d'occasion progresse énormément et surtout, il devient tendance. On ne va pas cacher qu'il est d'occasion, et on va le dire comme un acte de fierté, parce qu'on va donner un sens écologique à ça, et puis aussi le fait que le jouet a déjà servi. Il incorpore, j'allais dire, l'amour des enfants qu'il y avait avant. C'est vrai aussi pour les vêtements.

Donc cette dimension écologique, on va dire les gens consomment moins à cause de l'inflation, et pour certains, c'est malheureusement extrêmement vrai, bien sûr, mais pas seulement. Je pense qu'il y a aussi un mouvement, et Noël pourrait devenir la grande fête d'une société écologique où on fait des enfants, parce qu'on a confiance dans l'avenir, et en même temps, on consomme moins, parce qu'on est conscient que ça produit du carbone.

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