Opposition à l'A69 : Pour Jean Viard, "l'idée d'un référendum d'initiative locale dans ce territoire peut sembler une solution démocratique pour avancer"
Un sondage IFOP auprès des habitants du Tarn et de Haute-Garonne, publié cette semaine pour le compte des collectifs d'opposants, montre que 61% des habitants sont favorables à l'abandon du projet d'autoroute A69, alors même qu'ils le jugent utile. En ce nouveau week-end de manifestations contre ce projet d'autoroute, entre Castres et Toulouse, projet récemment confirmé par le gouvernement, on peut se poser la question de l'intégration, par une majorité de Français, d'une forme de sobriété.
franceinfo : Un projet qu'ils jugent utile mais pas indispensable, c'est ça la sobriété, Jean Viard ?
Jean Viard : On est tous en train de s'interroger, on sent bien qu'il faut qu'on bifurque de route, et puis à quelle vitesse, et on pourrait presque dire qu'il y a une double légitimité. Il y a la légitimité incontestable des élus, les décisions de justice qui ont pris des années. Et puis d'un coup, il y a effectivement la montée d'une angoisse écologique, d'une interrogation tout à fait légitime. La première légitimité, c'est presque de la démocratie directe. Et puis l'autre, ce serait de la démocratie représentative. Et c'est un peu ça, le problème.
Et c'est pour ça que ce sondage est intéressant, parce que c'est un dossier qui m'intéresse beaucoup, et je me disais au fond, qu'est-ce que pensent les gens, et je veux dire les gens, les habitants ? Les chiffres du sondage sont très nets : l'opinion publique a beaucoup évolué sur ces sujets. Et c'est très compliqué parce que les élus, le temps de la délibération, des procès, des achats, des attentes, finalement, quand ils arrivent, ça rappelle beaucoup Notre-Dame-des-Landes qui a duré encore plus longtemps. Donc je crois que la réponse normale, ce serait de dire – quand il y a débat entre la démocratie directe et la démocratie représentative – c'est le peuple qui tranche, ça serait la réponse légitime.
Et pour ce qui est de l'expression de la population, le chiffre le plus marquant de ce sondage réalisé auprès de 600 habitants environ, montre que 82% des personnes interrogées soutiennent l'organisation d'un référendum local, sur ce projet d'autoroute entre Castres et Toulouse. Le gouvernement a confirmé le projet de l'A69, mais promet de le modifier. C'est une logique qu'expliquait déjà, fin septembre, sur franceinfo, le ministre des Transports, Clément Beaune : "On ne peut pas faire comme avant, et donc les projets qui sont en cours, on va réduire leur impact sur l'environnement. Ça vaut pour l'A69, et pour les projets qui ne sont pas encore lancés, on va en maintenir quelques-uns qui sont utiles, et on va en arrêter certains. On va continuer cet effort : plus de rail, et moins de route".
Alors, comment qualifier cette logique, Jean Viard. Est-ce que c'est la logique des petits pas ? Est-ce que c'est celle qui, en termes d'acceptabilité, est la bonne et finalement la plus efficace ?
Regardez par exemple, les autoroutes en Bretagne, qui sont des autoroutes à 110, ce ne sont pas de vraies autoroutes, on va dire, les sorties sont beaucoup plus courtes, donc on n'est pas obligé d'avoir une autoroute, peut-être sur le modèle très large, avec des à-côtés très larges. Donc, il y a des évolutions techniques, il y a aussi l'écoute de la population, et il y a un deuxième sujet qui va démarrer dans cette région, c'est la ligne LGV, Bordeaux-Toulouse.
J'ai tendance à penser qu'il faut peut-être savoir lâcher sur un sujet pour gagner sur l'autre, parce que le vrai outil d'aménagement de cette région essentielle, c'est la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, qui met Toulouse sur le réseau des TGV. Ça, ça me semble un enjeu majeur. Alors peut-être que vouloir courir deux chantiers, dans la même région, en même temps, c'est extrêmement dangereux.
Les habitants de Castres vous diraient que la ligne Bordeaux-Toulouse ne passera pas chez eux ? Comment faire pour trouver justement, une forme d'acceptabilité de la population dans les changements que les défis climatiques nous imposent ?
C'est le politique qui se réorganise, avec la guerre climatique comme un élément central. Ce qu'il faut qu'on apprenne, c'est l'endroit où on fait des compromis, et où on a un esprit de tolérance ? C'est le propre de la démocratie. Tout le monde ne peut pas gagner. Là, pour l'instant, on a un peu l'impression qu'il n'y a pas ce lieu de l'arbitrage. C'est pour ça que l'idée d'un référendum d'initiative locale dans ce territoire peut sembler une solution démocratique pour avancer.
Thomas Brail, militant écologiste, mobilisé précisément contre ce projet d'autoroute, avait entamé une grève de la faim, puis de la soif, pour essayer d'avoir gain de cause. Il a dû être hospitalisé, il y a une dizaine de jours. Est-ce que, dans le fond comme dans la forme, on en est à ce moment où les luttes écologistes doivent être radicales pour être efficaces, ou alors c'est l'inverse ?
Il faut dire qu'on est dans une bataille gigantesque, et on est en train de l'accélérer, sans doute pas assez, bien sûr. Après, il y a les gens qui sont hyperradicaux. Tout le monde ne peut pas avoir raison tout seul. C'est pour ça que j'insiste sur le processus démocratique, en se disant, on se respecte, on discute du mode, des modalités pour prendre la décision, et après, on l'appliquera. Mais il faut que chacun accepte que c'est ça ; que la démocratie est une esthétique, et que si on n'accepte pas cette esthétique de la démocratie, de s'écouter et de se mettre d'accord sur la règle de la décision, là, on est mal barré.
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