Présidentielle américaine : "L'idée que le plus puissant pays du monde soit dirigé par une femme, c'est énorme"

L'élection présidentielle américaine approche. Ce sera dans la nuit de mardi à mercredi prochain. Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Romagnan
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Image combinée des deux candidats à l'élection présidentielle américaine, créée le 1er novembre 2024. Avec Kamala Harris, vice-présidente et candidate démocrate à la présidentielle durant sa campagne à Reno au Nevada, le 31 octobre 2024, et l'ex-président et candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, en Pennsylvanie, le 29 octobre 2024 à Allentown. (LOREN ELLIOTT, ANGELA WEISS / AFP)

La semaine prochaine, en principe, on devrait savoir qui, de Kamala Harris ou de Donald Trump est élu pour quatre ans à la tête des Etats-Unis. Donald Trump brigue un second mandat, quatre ans après avoir perdu celui contre Joe Biden. Et Kamala Harris, elle, deviendrait en cas d'élection, la première femme, et la première Afro-Américaine élue à ce poste, dans ce pays.

franceinfo : Pourquoi la France se passionne-t-elle autant pour cette élection américaine ?

Jean Viard : D'abord l'Amérique, c'est à la fois un enfant à nous, puisque beaucoup des habitants viennent d'Europe. Et en même temps, c'est un peu notre tuteur, notre parent, c'est une position très ambiguë. À la fois, on l'aime et on ne l'aime pas, et en même temps, c'est un pays tellement créatif. Regardez le cinéma, les technologies, etc. Là, on a une élection qui a une grande importance parce qu'on est en bordure des régimes illibéraux dans toutes nos grandes démocraties. Le plus proche de l'ex-président Trump, c'est Orbán, en Hongrie, chez nous.

On voit bien que nos démocraties sont en train de vaciller parce que le monde a bifurqué, a changé. Et dans cette bifurcation, dans un monde numérique, plus vous êtes grossier, plus ça marche. Donc vous avez des gens qu'on entend bien, notamment Trump, et de l'autre côté, vous avez une dame, qui est une fille de la société civile, qui a été procureure, ce n'est pas une politique professionnelle de toujours, et c'est une femme.

Et donc l'idée que le plus puissant pays du monde soit dirigé par une femme, c'est aussi énorme parce que c'est énorme pour toutes les femmes, et puis on voit bien que les régimes autoritaires, chinois, russes, et autres, sont dirigés par des hommes dans le genre viril, combattant. Il y a tout ça en question en ce moment.

Et quelles conséquences, quel impact, ont ces élections sur la France ?

C'est paradoxal parce que l'Amérique est en train de se refermer, de mettre toute sa puissance en utilisant le dollar, ils sont en train d'investir des milliards, on vit une révolution industrielle gigantesque, non seulement liée au réchauffement climatique, liée à l'IA, liée à des tas de nouvelles technologies. Aujourd'hui, l'industrie, c'est l'apprentissage à faire avec : on voit bien avec le soleil, avec le vent, etc., donc on est dans ce basculement, et ils ont des moyens, ils avancent. Ils ont pris 10 points de PIB depuis 2019. L'Europe en a pris un peu plus de 4, et la France, un peu plus de 3.

Ils ont été deux fois plus vite que nous en développement, et même en développement dans des domaines énergétiques innovants. Donc, c'est une leçon pour le monde, et soyons honnêtes, ce sont les régulateurs de la paix, les Américains, c'est la plus grande armée du monde, c'est un pays qui est intervenu à plein d'endroits, énormément d'Américains ont été soldats, depuis la guerre de Sécession.

C'est ça qui se joue, c'est un grand pays de la paix et de la guerre, parce qu'on dit toujours que les Chinois sont très nombreux, c’est incontestable, mais leur armée n'a jamais combattu, ce n'est pas une armée de combat, et donc la puissance des Etats-Unis, même s'ils ont tendance à délaisser l'Europe, même s'ils ont tendance à trouver que le vrai sujet du monde, c'est leur affrontement avec la Chine, au fond, ils sont quand même la puissance régulatrice.

Alors d'un autre côté, ça nous oblige, nous Européens, quel que soit d'ailleurs le résultat, à se construire vraiment une unité économique, politique et militaire. Et donc, est-ce qu'on va y arriver ? Ça joue sur nous, ça joue sur l'Ukraine, ça joue sur leur capacité à réguler le conflit israélo-palestinien, à développer un discours équilibré et novateur sur les droits et le respect de ces deux populations. Il y a tout ça qui est en jeu. Et je pense que pour le monde, cette élection va être une date importante.

Les Français ne votent pas à cette élection, mais ils ont une candidate favorite, c'est Kamala Harris. Selon un sondage, seulement 13% des Français souhaitent une victoire de Donald Trump. Pourquoi, selon vous ?

L'Amérique, c'est un peu les Européens, sortis au XIXᵉ siècle des codes de la religion, des codes du local, etc. On le voit bien dans les westerns, il n'y a pas de règles. Et nous en Europe, on a des codes qui nous protègent de partout. La commune, la région, la nation, l'Europe, les religions, les syndicats : on est très protégés.

Kamala Harris, c'est un modèle un peu européen : un peu plus de protection, la santé pour tous, alors qu'il y a plein d’Américains qui n'ont pas la protection de la santé, c'est énorme, notamment les pauvres, c'est monstrueux. On voit un peu les démocrates au fond comme le modèle social européen. Et puis je pense que c'est une femme. Et je pense que Trump est d'une telle vulgarité que, quand même, ça ne nous attire pas beaucoup.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.