Tempêtes : pour Jean Viard, "c'est une nouvelle période de l'histoire humaine, on est tous en première ligne, chacun peut agir"

Au moins une douzaine de morts en Europe, jusqu'à un million de foyers français privés d'électricité le 2 novembre, et plusieurs communes inondées dans le Nord-Pas-de-Calais, la tempête Ciaran a fait beaucoup de dégâts cette semaine. Des épisodes climatiques qui nous rendent plus vulnérables.
Article rédigé par Augustin Arrivé
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 258 min
Pour Jean Viard, "c'est une épopée qui s'ouvre, une épopée tragique parce qu'on a déréglé la nature, mais en même temps, c'est un combat pour se dire : on va gagner la guerre climatique, un combat gigantesque, celui du siècle entier qui arrive." (GUILLAUME SALIGOT / MAXPPP)

La tempête Ciaran qui a traversé la France et l'Europe cette semaine, a fait au moins une douzaine de morts, dont deux en France. 260.000 foyers restent privés d'électricité. Les épisodes météo de cette ampleur nous inquiètent de plus en plus. Le regard du sociologue Jean Viard sur cette question de société : notre vulnérabilité face à ces événements météorologiques violents.

franceinfo : Nous nous sentons vulnérables à chacun de ces épisodes météo. Il y a quelque chose de notre condition de mortels que nous oublions peut-être le reste du temps. Cela nous rappelle à notre fragilité, ces tempêtes ?

Jean Viard : Oui, bien sûr, comme il y a des morts, des victimes, il faut être très prudent dans ce qu'on dit, parce qu'il faut d'abord évidemment penser à eux et à tous les gens qui sont inquiets, mais après, les tempêtes, ça nous rappelle qu'effectivement nous sommes un élément de l'univers, que l'univers est fragile.

La crise climatique qui n'est pas une crise, moi, j'appelle ça "la guerre climatique" parce qu'on est entré dans un immense épisode de guerre, à peu près comme les grandes guerres mondiales du siècle précédent, où l'humanité se bat contre une nature qui a l'air déréglé, et qui va faire qu'il y aura de plus en plus des hauts et des bas, et que suivant ce que chacun d'entre nous va faire, et suivant ce que les politiques, des entreprises, des partis, vont faire, et bien cette guerre, on va la gagner plus ou moins vite, voire jamais.

C'est une nouvelle période de l'histoire humaine, et je crois qu'il faut se dire que ce qui est original dans cette affaire, c'est que cette guerre-là, on est tous en première ligne. On est tous en première ligne, quand on se déplace, quand on se chauffe, quand on consomme. Même si évidemment, une bonne partie des solutions ne relèvent pas de vous et de moi, à savoir si je me chauffe au bois ou si j'ai baissé la température chez moi. Mais ne soyons pas passifs. Pensons-nous comme actifs.

Mais les jeunes générations se sentent particulièrement sensibles, angoissées face à l'avenir qui les attend. On parle de "solastalgie", ce malaise ressenti avec le changement climatique ?

Oui, mais c'est sûr, mais il faut faire attention, parce qu'il y a des jeunes qui sont très sensibles à ça. Et puis, il y a une partie de la jeunesse qui est beaucoup plus sensible au "grand remplacement", pour donner une image, à la perte d'identité, etc. C'est vrai que ce sont les jeunes qui construisent le futur par définition, et je pense que les jeunes ont sans doute plus d'angoisse.

Ce qui est très compliqué, c'est que plus les jeunes font des études longues, donc plus ils sont compétents pour analyser, y compris la crise climatique, les problèmes des écosystèmes, etc., plus ils sont angoissés, parce que la réalité est très inquiétante.

Mais en même temps, ne disons surtout pas, il n'y a plus rien à faire, ce serait faux, et ne disons surtout pas : on ne fait rien. Et on peut dire : il faut faire plus. Et puis on peut dire aussi : qu'est-ce que tu as fait, toi ? Et c'est pour ça que j'insiste sur l'aventure collective. C'est une nouvelle période, c'est comme la Révolution française, c'est comme la révolution industrielle, qui est une immense révolution culturelle, industrielle, technologique, scientifique qui est devant nous.

Et en même temps, c'est une épopée qui s'ouvre, une épopée tragique parce qu'on a déréglé la nature, ce n'est pas une bonne nouvelle, mais en même temps, c'est un combat. Et comme tous les combats, ça a un côté aussi innovant, créatif. Il faut que les artistes se battent là-dedans, mais pas seulement pour faire peur, pour se dire : on va gagner la guerre climatique.

Ça va être un combat gigantesque, celui du siècle entier qui arrive. Et c'est ça qu'il faut dire aux jeunes. Moi, je dis souvent on a gagné la guerre pandémique, ça va être pareil, il y aura des morts, ça ne va pas être facile. C'est un enjeu gigantesque. Mais allons de l'avant, et ne nous ratatinons pas sous la couette.

Et constater aussi que nous agissons, cette prise de conscience collective, ça peut aussi peut-être nous aider à atténuer nos éventuelles angoisses ?

Mais bien sûr parce que ce qui atténue l'angoisse, c'est l'action, c'est la possibilité d'action. C'est pour ça que j'insiste sur le combat, je pense qu'il faut donner des mots pour dire : chacun peut agir à sa dimension. Et puis, certains peuvent agir davantage : on peut agir aussi en votant, en travaillant dans les entreprises, en travaillant dans des laboratoires de recherche. Il y a des tas d'endroits où l'action est là.

Les deux mots du monde de demain, c'est la vie et le vivant. Alors qu'au siècle passé, les grands mots, c'était la production, les rapports de force. Là, on est dans une autre époque. Les deux mots centraux de demain, c'est la vie et puis le vivant, pour effectivement diminuer notre impact climatique.

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