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Si j’étais... Jean-Marc Ayrault

Jean-Marc Ayrault était jeudi 6 octobre à Moscou pour réclamer l'arrêt des bombardements en Syrie. Karl Zéro profite de cette occasion pour se mettre à la place du ministre des Affaires étrangères.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères lors d'une conférence de presse à Moscou en compagnie de son homologue russe, Sergueï Lavrov. (VASILY MAXIMOV / AFP)

Si j’étais Jean-Marc Ayrault, je vivrais mon heure de gloire ! J’effectue, au moment où je vous parle, un formidable convoi humanitaire à moi tout seul, à Moscou puis à Washington, pour exiger une paix immédiate en Syrie ! Non seulement ça va me faire un max de miles Flying Blue pour aller m’éclater au Sénégal, mais surtout, enfin, mon nom s’inscrit en lettre d’or à la une de tous les médias ! Il claque, tel un coup de fouet libérateur, d’un "Ay !" qui veut dire Ayrault. Ayrault ! Ayrault ! 

Car oui mes amis, un héros, j’en suis un, un vrai, il n’y a pas de hasard ! Si je m’appelle Jean-Marc "Héros", c’est que c’est mon destin, et il est plus que temps que les Français s’en rendent compte !

Oh, bien sûr, je suis trop discret, trop bosseur, pas de la race de ceux qui la ramènent, qui posent et qui se la racontent, comme François, ce poussah gonflé d’égoïsme… (Un poussah, c’est un homme "ridiculement gros et bréviligne", voyez à quel point ça lui sied à merveille !) François qui, à Matignon, m’a usé jusqu’à la corde, pressé comme un citron. Oui, j’étais ça, une corde en citron, j’aurais mieux fait de me pendre avec. Mais je suis un grand sentimental. J’espérais toujours un sourire de lui, une petite tape amicale, je lui quémandais des bisous, "Flamby un bibi ! ". Mais rien n’est venu, jamais. En privé, il me décrivait à ses proches comme  "pas efficace, pas assez présent, jamais sur le coup".

La nuit, j’en pleurais de rage en tordant mon doudou ! Je suffoquais, j’enrageais, et au matin,impeccable, rasé de frais, la cravate aussi serrée que la mâchoire, je reprenais docilement le collier : j’accumulais benoîtement les conneries sous sa houlette, et j’endossais toutes celles des sous-doués qu’il avait nommé ministres. Et puis un matin il m’a jeté. Froidement. Pour mettre à ma place le robot de Catalogne. S’en suivirent deux années de placard à l’Assemblée, et en guise de lot de consolation, le Quai d’Orsay. Mais attention, avec rien le droit de faire, rien le droit de dire, pas même celui de penser.

Résultat, en sept mois, personne ne s’est rendu compte que j’étais à quai. Au Quai, je veux dire. Mais c’est fini, tout ça ! Si j’étais Jean-Marc Ayrault, je serais, même si ce n’est que l’espace de deux jours, l’égal des grands de ce monde, que je visite enfin. Ah ! je l’ai obtenue de haute lutte, cette visite d’état ! J’ai consulté l’agenda de François, et j’ai vu qu’hier et aujourd’hui il était surbooké : visite d’un chenil, d’une maison de retraite, et le soir cinéma avec Julie. J’ai dit : "Là mon pépère, fonce, prend une initiative énorme, et il l’a dans l’os !"

Il m'a appelé Jean-Marc Juppé

Et boum, me voilà en Russie ! Dans l’avion, j’avais potassé à mort le dossier syrien, je savais tous les chiffres par cœur, nombre de morts, nombres de milliards planqués par Bachar aux îles Caïman, si des fois y avait des journalistes à l’arrivée. Mais à Moscou, y avait personne pour m’accueillir, ils avaient pas reçu mon mail disant j’arrive -ou alors il était passé dans les spam ? Bref je prends un taxi et je lui dis : "Au Kremlin, tovaritch !" Là, même topo, le vopo à la grille du Kremlin, il me fait : "Et… vous êtes ?" 
"Jean-Marc Héros, ministre d’Etat des Affaires Etrangères de la France !
- Connais pas. Et vous avez rendez-vous ?"
- Bien sûr, avec mon homologue, M. Lavrov !
- Il n’y a pas d’homologue en Russie… c’est interdit par la loi."

Bon finalement, après une fouille au corps, celle qu’on réserve aux homologues, on m’a laissé entrer et j’ai eu tout loisir de visiter le Kremlin, qui a été très bien refait du temps de Eltsine. Lavrov, j’ai fini par le voir, il sortait d’un ascenseur, je lui ai dit "Sergueï !", il m’a fait:  "On se connait ?"
"Mais oui, c’est moi Jean-Marc ! Ton homologue français !
Ah pardon, pardon, mille pardons, oui, bien sûr ! Ça fait longtemps hein ! Comment vas tu ? Alors… il parait que les sondages te donnent gagnant à la primaire de la droite ?" 

Jean-Marc Juppé. Il m’a appelé Jean-Marc Juppé pendant tout notre entretien qui n’a duré que 27 secondes. Mais j’ai été très ferme sur la Syrie. J’ai eu le temps de lui glisser : "La France exige l’arrêt immédiat des combats". Il est parti d’un grand rire, et il est parti tout court d’ailleurs en disant : "Quel déconneur ce Juppé !"

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