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Quatre points...

Rien de mieux qu'un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour rencontrer les Français dans toutes leurs diversités, au plus près. Et si nos politiques, nos gouvernants et nos hauts fonctionnaires venaient passer 14 heures enfermés, confinés, déconnectés, pendant deux jours avec nous dans l'un de ces stages de récupération de points... Eux, en personne, bien sûr, pas leurs chauffeurs !
Article rédigé par Guy Birenbaum
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

Ce matin dans l'autre info, Guy, on participe avec vous à un stage de sensibilisation à la sécurité routière...

Il y a quelques jours, j'ai reçu une lettre à en tête du ministère de l'Intérieur : « Le solde de points restant affecté à votre permis de conduire est de un point sur un capital de douze ». Un point avant le retrait de permis. La conduite, je ne crains pas de la repasser, mais le code, je ne le sens pas...

Donc vous avez fait un stage pour récupérer des points...

Il m'a fallu deux clics sur Internet pour trouver un stage pour moins de 200 euros. Je me suis inscrit en ligne en dix minutes et j'ai bûché 14 heures vendredi et samedi dans un hôtel du Val de Marne. J'ai récupéré les quatre points possibles.

Contente pour vous Guy ! Mais vous n'êtes pas venu raconter aux auditeurs de France Info votre joie d'avoir cinq points sur votre permis...

Non. Je suis venu leur dire que j'ai découvert un formidable observatoire des Français dans leurs diversités d'origine, sociale, professionnelle, politique, culturelle. Où reste-t-on coincé pendant 14h, sans smart-phone, ni tablette, assis, concentré parmi 20 français de tous âges, en majorité des hommes, car les femmes sont meilleures conductrices ? Où même les plus réticents sont-ils contraints de se parler poliment, de laisser clichés et préjugés à l'entrée ?

Sur des questions aussi essentielles que le respect du droit, la loi, la morale, les règles, l'autorité, l'exemplarité ? Où faut-il accepter de recevoir une leçon de sécurité routière, mais surtout de civisme et de vie en société ? Que l'on soit cadre sup., agent de sécurité, éducatrice, chauffeur de 44 tonnes, motard en Harley, taxi, livreur, VRP, journaliste ? Où faut-il lâcher prise devant des inconnus, livrer ses erreurs, confesser ses conduites à risques, avouer ses pulsions, ses colères, ses peurs, ses frustrations ? À part chez les Alcooliques Anonymes, mais je ne bois pas, je ne vois que ces stages...

Et forcément ces 14 heures de colle vous ont donné une idée...

Si nos gouvernants veulent saisir nos contradictions, nos paradoxes, nos envies, nos rages, notre schizophrénie face aux règles, qu'ils viennent en stage avec nous. Bien sûr, les élus visitent des entreprises, serrent des mains sur les marchés, font des réunions d'appartements, reçoivent leurs électeurs. Mais rester 14 heures enfermés avec 20 français, quand l'ont-ils fait pour la dernière fois ? D'ailleurs, depuis la suppression du service militaire et des 3 jours d'intégration, où peut-on croiser ensemble des français de toutes conditions ? Pas des militants ! Pas des syndicalistes ! Pas des grévistes ! Pas des employés ou des ouvriers à qui on bâcle en dix mn un discours écrit par deux " crânes d'oeuf " et qu'on laisse finir à Pôle emploi ! Vendredi et samedi, j'ai rêvassé à des ministres et des énarques assis avec nous, notant, écoutant et apprenant de nous beaucoup plus que dans des sondages d'opinion !

Vous êtes trop pessimiste Guy, il sort forcément quelque chose de collectif de ces stages....

Non, Fabienne. De ces 14h multipliées par des milliers de stagiaires, il ne reste aucune trace. Ce qui se dit est confidentiel et n'est consigné nulle part ! Il n'y a pas de retour d'expérience aux autorités, pas de synthèse, pas d'enregistrement. Les formateurs des boîtes privées qui assurent ces stages ne font rien remonter en dehors d'une « attestation de suivi de stage » à la préfecture. Et nos points rachetés nous reviennent dès le lendemain. Raison de plus pour que nos dirigeants viennent passer 14 h avec nous, une fois par an. Eux. En personne ! Pas leurs chauffeurs !

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