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Bnp-Paribas et le dollar, ''privilège exorbitant de l’Amérique''

L’amende record dont est menacée la banque Bnp-Paribas aux Etats-Unis n’a pas fini de faire couler de l’encre. François Hollande en a parlé avec Barack Obama. Les prochaines semaines et les prochains mois s’annoncent difficiles pour la banque française
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (© Maxppp)

Le sort s’acharne contre la première banque française et deuxième européenne. Dans un contexte déjà très tendu, Standard and Poor’s menace d’abaisser la note à long terme de Bnp actuellement fixée à A+. L’agence de notation rendra son verdict à l’issue de l’enquête mais elle ne cache pas que l’incertitude qui entoure ce dossier la pousse à engager une ‘’surveillance négative’’, selon le jargon du métier. Cette rétrogradation serait une véritable claque et un sérieux discrédit pour cet établissement réputé qui a toujours entretenu une image de premier de la classe, prudent.

Rappel des faits

BNP Paribas est menacée par la justice américaine d’une amende de 10 milliards de dollars – environ sept milliards d’euros –  pour avoir commercé avec des Etats frappés d’embargo par Washington, l’Iran et le Soudan notamment. Le tort de la banque a été précisément de faire des transactions en dollars, la monnaie du pays qui interdit de négocier avec ces Etats. Si elle avait négocié en euros, il n’y aurait eu aucun problème car les entreprises européennes ne sont pas soumises à cet embargo.

Le Président de la République François Hollande est monté au créneau pour défendre Bnp-Paribas. Quels arguments avance-t-il ?

Le caractère disproportionné de cette amende et les risques qui en découlent. Il l’a dit à Barack Obama lors d’un dîner à l’Elysée. Le chef de l’Etat a rappelé à son homologue américain, de vive voix, ce qu’il lui a déjà écrit dans une lettre datée du sept avril dernier. Seulement voilà, Barack OBAMA est resté droit dans ses bottes, affirmant qu’il n’était pas dans son rôle de se mêler des affaires judiciaires.

Outre la question de l’amende qui serait infligée à la banque de la rue d’Antin, ce dossier lève plusieurs questions très lourdes pour l’ensemble du secteur bancaire international et des marchés financiers.

Payer une amende est une chose mais se voir retirer son agrément aux Etats-Unis (l’autre sanction possible), c’est catastrophique pour une banque qui veut se développer sur ce marché porteur. Quant à la troisième menace brandie par la justice américaine qui serait d’interdire purement et simplement la banque de compenser ses opérations en dollar, cela serait une véritable bombe atomique signant l’arrêt de mort de l’établissement. Heureusement nous n’en sommes pas là et il semblerait que l’on s’oriente plutôt vers des mesures transitoires, qui ne dureraient pas dans le temps.

Mais c’est un signal !

C’est le témoignage flagrant de l’impérialisme américain au 21ème siècle. L’impérialisme d’une nation dont les banques (Goldman Sachs en premier) ont déclenché la dernière crise financière internationale. C’est aussi la preuve de la dominance du billet vert dans les échanges internationaux. On se croirait revenu sous de Gaulle et sa célèbre tirade sur ‘’le dollar, privilège exorbitant de l’Amérique’’.

Cette affaire montre que Washington pourrait, d’un claquement de doigts, pour une raison X ou Y, stopper la machine, empêcher l’économie mondiale de fonctionner. Ce qui est objectivement la réalité.

Si on se limite au cas de Bnp-Paribas, y a-t-il des risques pour les clients qui ont un compte dans cette banque ?

Soyons clairs : si BNP doit payer une amende de sept milliards d’euros, cela représente entre une et deux années de bénéfices (en 2013, la banque a réalisé un profit de quatre milliards huit). Deux années de bénéfices qui partent en fumée, c’est énorme pour une entreprise, mais la banque compte aujourd’hui environ 275 milliards d’euros de dépôts. Donc elle peut faire face, mais ca ferait mal. Et si conséquence il y avait, on pourrait imaginer une hausse sensible du tarif des services, voire une attention plus particulière portée à l’octroi de crédits. Mais pour l’heure, la banque s’en défend. Rien de tel n’est envisagé, même dans le pire scénario final.

Ce dossier est éminemment politique. Les Etats-Unis sont à la manœuvre en brandissant le dollar comme une arme de destruction massive. En coulisses, le président de la Banque Centrale Européenne Mario DRAGUI, et le Gouverneur de la Banque de France Christian NOYER, surveillent avec l’Elysée ce dossier comme le lait sur le feu.

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