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Politique de l'offre : le duel Say - Keynes revient sur scène

La politique de l'offre que défend le Président de la République pour relancer l'économie sera-t-elle efficace ? En d'autres termes, la baisse de charges promise par François Hollande permettra-t-elle réellement de créer des emplois ? Tout dépendra de la taille des entreprises.
Article rédigé par Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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Nous sommes encore dans l'euphorie de la conférence de presse présidentielle. Les patrons, qui attendent de voir les détails, applaudissent les mesures annoncées. Mais qu'est-ce exactement qu'une politique de l'offre ?
C'est partir du principe que la fabrication d'un bien trouve toujours un débouché, un acquéreur, et que l'offre crée la demande. On ne le dira pas trop fort mais ce principe est clairement... libéral. Il fut développé par Jean-Baptiste SAY, économiste français du XIXème siècle, que  Laurence Parisot prenait souvent comme exemple lorsqu'elle était patronne des patrons.
Le grand pourfendeur de Jean-Baptiste SAY sera l'économiste britannique dont le nom est plus connu : John Maynard Keynes, défenseur lui, de la politique de la demande. La relance par la demande publique (grands investissements, travaux... initiés par l'Etat, donc financés par les deniers publics).
C'est la politique qui est plutôt défendue aujourd'hui par une partie de la gauche... d'où les remous au sein même de la majorité.

Cette politique de l'offre est-elle la solution dans le contexte économique actuel ?

Cela nous ramène au fameux choc de compétitivité de Louis Gallois. Les entreprises françaises ont du mal à vendre leurs produits, notamment à l'étranger, parce qu'elles se positionnent (en France) sur le milieu, voire le bas de gamme. Les Allemands, eux, exportent très facilement leurs machines outils car réputées de qualité et solide. Pourquoi ? C'est la deuxième explication : la compétitivité prix (c'est à dire le coût du travail).
En résumé, il est difficile pour la France de vendre des produits bas de gamme rendus plus chers par le poids des charges. Il faut donc baisser le coût du travail pour redonner de la vigueur à nos produits.

La baisse de charges, c'est justement ce qu'a annoncé le Président mardi. Le problème est donc réglé !

Si c'était aussi simple... Le patronat se félicite des annonces présidentielles mais jouera-t-il le jeu. Consommateurs et salariés sont en droit de s'interroger. Comment les entreprises vont utiliser l'argent dégagé par la baisse des cotisations ? Vont-elles investir ? Créer de l'emploi ? Quoi qu'il en soit, l'effet sera différent selon la taille de l'entreprise.

Elles pourraient aussi augmenter les salaires ?

Non, certainement pas dans le contexte actuel, à quelques exceptions près. En réalité, la tentation sera grande pour beaucoup d'entreprises de reconstituer leurs marges qui sont aujourd'hui à un niveau historiquement bas. Elles vont remettre un peu de carburant dans leurs réservoirs, dans leurs caisses, pour éviter de licencier par exemple si de tels projets étaient dans les cartons. Cela peut freiner l'hémorragie de destruction d'emplois sans pour autant en créer à la hauteur des attentes.
Il faut absolument inciter les entreprises à produire de meilleure qualité pour vendre mieux. Cela passe par l'investissement et la formation.
Nous n'aurons pas des baisses de charge tous les jours. Il ne faut rater le coche. François Hollande a pris un risque économique et politique. Désormais à chacun de prendre ses "responsabilités" à travers le "pacte" du même nom.

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