Inès Léraud sur le champ de bataille des paysans bretons et Michel Hazanavicius pour son conte animé "La Plus précieuse des marchandises"
Si le remembrement clive aujourd’hui la population bretonne, tel n’a pas toujours été le cas. En effet, le remembrement, méthode visant à détruire les bocages pour obtenir des terres agricoles plus vastes, a été vu comme un progrès lorsque le projet a été mis en place dans une visée productiviste à la fin de la seconde guerre mondiale. La journaliste Inès Léraud revient dans son roman graphique Champs de bataille sur le projet du remembrement, terme peu connu du grand public, mais qui a pourtant façonné l’agriculture, ainsi que le territoire et la société française.
"Ce remembrement était pensé par des bureaucrates, une administration qui ne connaissait pas véritablement la terre et la campagne. Et parfois, il a été mené de façon complètement absurde", témoigne Inès Léraud, forte de ses recherches menées avec l'universitaire Léandre Mandard. Une gestion qui a laissé des séquelles au sein de la population locale, "on a liquidé une civilisation rurale qui était résiliente face au climat et aux ressources naturelles qu'elle avait autour d'elle", déplore-t-elle. De là s’est creusée "une fracture entre les villes et les campagnes (…), qu’on a vue aussi avec le mouvement des gilets jaunes", rappelle Inès Léraud, faisant le pont avec l’actualité de ces dernières années.
"Dans les mouvements agricoles et populaires d'aujourd'hui, on voit un point d'origine avec ce qui s'est passé au moment du remembrement."
Inès Léraudfranceinfo
Un processus qui a détruit plus vite qu’il ne peut réparer, explique la journaliste. "Aujourd’hui, on dépense énormément d’argent public pour ça [replanter du bocage], et parfois un peu en vain, parce que c’est très compliqué de reconstruire." Une reconstruction d’autant plus urgente qu’elle repose sur des enjeux écologiques importants, tels que l’érosion des sols, le niveau de l’eau, et les défis liés au changement climatique.
Champs de bataille. L'histoire enfouie du remembrement. (Delcourt) d'Inès Léraud et Pierre Van Hove, est à retrouver dès maintenant en librairie.
Le nouveau film de Michel Hazanavicius
Michel Hazanavicius, réalisateur touche-à-tout, connu pour ses comédies d'OSS 117 et son oscarisé The Artist, se lance désormais dans le film d'animation avec La Plus précieuse des marchandises. Mais c’est sous un angle particulier qu’il aborde ce nouveau genre : en racontant l’histoire de la Shoah à travers un conte animé, où il se prête au jeu de l'écriture et du dessin.
Michel Hazanavicius dit avoir donné une grande importance à rendre ce sujet sensible accessible aux enfants. Il souligne que Jean-Claude Grumberg, l’auteur du conte éponyme duquel le film est adapté, a été le premier à aborder ce thème. "Jean-Claude a amorcé une nouvelle ère mémorielle. Je crois que pour la première fois, il ouvrait les portes du camp, entrait dans un convoi de déporté, ce qui pose beaucoup de questions éthiques et morales quand on se met en tête de représenter ça", remarque-t-il. Le but du réalisateur n’étant pas tant "d’expliquer", mais de "montrer, pour transmettre des émotions, explique-t-il. On a essayé de travailler, de s'adresser aux enfants sans leur mentir, sans les traumatiser, et surtout, sans suivre le trajet un petit peu obligatoire et systématique dès qu'on évoque cette tragédie, où on nous indique ce qu'on doit penser", observe le cinéaste.
Michel Hazanavicius partage également ses souvenirs empreints d'émotion de son travail avec le comédien Jean-Louis Trintignant, décédé en 2022, et déjà atteint de cécité due à sa maladie au moment de l’enregistrement de sa voix pour la narration du film. Le cinéaste raconte que c’est la femme du comédien qui l’a aidé à apprendre par cœur son texte. "Regarder cet homme enregistrer ce texte qu'il avait appris à l'oreille, c'est un des beaux moments de ma vie de réalisateur", confie-t-il au micro de Tout Public.
La Plus précieuse des marchandises, au cinéma dès le 20 novembre 2024.
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