La Syrie vue par Najah Albukaï, dessinateur et ex-détenu du régime, la censure de "La Belle de Gaza" et un concert immersif à la Gaîté Lyrique

Dans Tout public du mercredi 11 décembre 2024, le dessinateur Najah Albukaï partage son expérience dans les prisons syriennes, Yolande Zauberman dénonce la censure de son film "La Belle de Gaza", et le concert de Cécile DeLaurentis à la Gaîté Lyrique.
Article rédigé par Frédéric Carbonne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Najah Albukaï, "La Belle de Gaza" et Cécile DeLaurentis. (FRANCEINFO / DR)

Emprisonné à plusieurs reprises entre 2012 et 2014 en Syrie pour avoir "participé à des manifestations" visant selon les autorités syriennes à "l’affaiblissement du sentiment national et la démoralisation du peuple syrien", Najah Albukaï a toujours réussi à dessiner et à conserver ce qui sert de témoignage de ses séjours en prison. Réfugié en France depuis 2015, ses dessins sont rassemblés dans le livre Graver les mémoires.

"La manière que j’ai de m'exprimer est très simple : un stylo et du papier."

Najah Albukaï

franceinfo

Pour le dessinateur, "l’art a un devoir, c’est de témoigner", à l’inverse du despote, dont le sien est d'assurer "l'amnésie de la population". C’est pour être fidèle à son devoir d’artiste qu’à l’aide d’une feuille et d’un stylo, Najah Albukaï dépeint la réalité des prisons syriennes, où ce qui le choque avant tout est le manque de cellules disponibles pour emprisonner les personnes hostiles au régime. En effet, malgré le nombre important de prisons construites sous Hafez al-Assad (père de Bachar al-Assad), il témoigne de la grande promiscuité qui existe entre les prisonniers. "Vous avez une pièce qui fait 20 mètres où nous étions 80, restitue Najah Albukaï. Donc imaginez cette quantité d’êtres humains entassés les uns sur les autres avec des traces de tortures, des plaies… " Un endroit où "on découvre la faiblesse du corps humain", se rappelle le dessinateur.

Si la chute de Bachar al-Assad est vue comme un progrès pour le pays par le dessinateur, ce dernier a encore du mal à réaliser que cet événement a bien eu lieu. Alors qu'il avait perdu tout espoir de changement, il qualifie son état actuel comme étant marqué d’un sentiment de "vertige". En ce qui concerne la suite, il l’envisage au travers d'un nuancier d’émotions, qui va de la "joie", à l’appréhension, en passant par "l’espoir", déclarant qu’il est difficile d'imaginer que la Syrie devienne un pays démocratique. "Ce n’est pas possible d’un seul coup", estime-t-il.

Le livre de Najah Albukaï, Graver la mémoire (éditions El Viso) est à retrouver dès à présent en librairie.

Une histoire d’auto-censure

Alors que le documentaire La Belle de Gaza était à l’affiche du festival belge Med Cinéma, sa projection a été annulée suite à des pressions de groupes activistes, ces derniers dénonçant la complaisance du film envers la politique coloniale d’Israël. "Ce film a été un lieu de rencontre jusque-là, témoigne la réalisatrice Yolande Zauberman. Empêcher la projection de ce film, c'est empêcher les rencontres entre des gens qui ne sont pas obligatoirement du même bord, c'est être contre la liberté, et d'une certaine manière, pour la guerre", va-t-elle jusqu’à affirmer. La réalisatrice concède par ailleurs le fait que son film puisse "déranger", "mais bizarrement, ça dérange avant de l’avoir vu, mais pas une fois qu’on l’a vu", pointe-t-elle.

Elle rappelle que son intention en commençant son film était de "rechercher une femme dont on [lui] avait dit qu’elle était venue à pied de Gaza, qu’elle était étrange...". "Je me disais ‘elle a toutes les frontières en elle, comment est-ce qu’elle voit le monde ?’".

Yolande Zauberman déclare par ailleurs n’avoir eu "aucune nouvelle" de la part du festival, qui annonce de son côté vouloir organiser un dialogue entre les différentes parties. Une annonce faite selon la réalisatrice dans le but de mieux se dédouaner et "ne rien faire", rappelant que de "fausses menaces" avaient déjà été prononcées lors de sa sortie en salle, et que les projections s’étaient finalement "très bien passées". "Et chaque fois que le film est projeté, c'est assez magnifique ce qui se passe", raconte-t-elle.

La première du concert immersif de Cécile DeLaurentis

Ce mercredi à la Gaîté Lyrique a lieu le concert tout en immersion de Cécile DeLaurentis, figure de la musique électronique touche-à-tout, de formation classique, ayant mis un pas dans le lyrique et dans le jazz, mais qui est surtout synesthète. Elle associe en effet les sons et les couleurs, pour mettre cette combinaison au service de son art. "Ça fait des années que j'utilise mes instruments en les combinant à des pads lumineux de couleurs, explique la musicienne. Pour moi, c'est une manière d'organiser mes sons, de les hiérarchiser, soit dans mes créations, soit même dans mon interprétation." Une faculté qui lui a permis de réaliser ce live immersif à 360 degrés, en partenariat avec Radio France.

Le concert de DeLaurentis a lieu mercredi 11 décembre 2024 à la Gaîté Lyrique à Paris.

Une émission avec la participation de Thierry Fiorile et Yann Bertrand, journalistes au service culture de franceinfo.

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