Le dernier voyage : les nouveaux rites funéraires
En ce weekend de la Toussaint, les Français se rendent dans les cimetières pour rendre hommage à leurs proches disparus. Outre l’aspect symbolique de cette fête, c’est l’occasion d’évoquer les différents rites et pratiques pour ces derniers voyages.
Les allégories du voyage sont nombreuses dans les rites funéraires, que ce soit le bateau funéraire viking ou encore le bateau égyptien. La mort passe alors de l’état de simple terminus d’une vie, à un processus de transit vers une nouvelle étape, que ce soit la réincarnation ou l’accès à un autre monde.
On compte en moyenne 600 000 décès par an en France, soit un toutes les 50 secondes. Cela fait autant de transports, et de rites selon les cultures, les religions et les réglementations. Avec le Covid-19, ces funérailles sont devenues un casse-tête pour les familles, et l’importance de pouvoir dire au revoir à ses proches a été mise en lumière. Cependant, les funérailles sont aussi de gros émetteurs de pollutions, que ce soit dans le sol ou par les émissions de CO2.
Les mille manières de partir
Les funérailles donnent l’opportunité de rendre un dernier hommage au défunt. Il est alors possible de sortir de la traditionnelle veillée mortuaire pour proposer des approches plus originales, afin de rendre le meilleur hommage possible. Ainsi, aux États-Unis, vous pouvez envoyer vos cendres dans l’espace, les intégrer dans un feu d’artifice pour finir en apothéose, ou en faire des bijoux, une façon de garder le lien affectif avec l’être cher. Vous pouvez aussi mélanger vos cendres à un béton écologique qui devient un récif artificiel marin abritant la faune et la flore. Ce concept permet de donner du sens au défunt qui, en retour, aide la vie à se développer ailleurs.
Culturellement, d’autres pays célèbrent le dernier voyage de manière plus joyeuse, que ce soit pour marquer le début d’une nouvelle étape, ou simplement pour rendre hommage au défunt. Ainsi, au Ghana, ce sont des porteurs de cercueil dansants et chantants qui accompagnent le défunt vers sa dernière demeure. "La danse du cercueil" (coffin dance) : la chorégraphie funéraire de six Ghanéens fait le tour du monde.
En France, la législation est plus stricte, mais le dernier voyage doit aussi être imaginé dans tous les cas de figure. La question se pose ainsi pour les astronautes de l’ISS, en cas de décès pendant une mission. Pas question de relâcher le défunt dans l’espace. La société Promessa a donc proposé à la NASA un sac permettant d’enfermer le corps à l’extérieur de la station afin de le geler, puis de secouer violemment la dépouille pour la réduire en poussière.
Un coût environnemental important
Au-delà de la douleur et de l’aspect psychologique pour les proches, un décès est aussi une source de pollution non négligeable. Une inhumation émet en moyenne 1 200 kilos de CO2, soit l’équivalent d’un trajet de 4 000 kilomètres en voiture. L’émission de CO2 est d’autant plus forte qu’en général, le monument funéraire (qui représente 88% de la pollution) voyage beaucoup. 4 monuments sur 5 sont importés (de Chine principalement).
Mais en plus du CO2, l’inhumation libère dans le sol des éléments polluants, comme les métaux lourds, prothèses et implants avec, en plus, la contamination du sol par les produits traitants pour assurer la conservation du corps (méthanol, glycol, éosine). Une crémation, elle, n’émettra que 233 kilos de CO2, soit l’équivalent d’un trajet de 1 000 kilomètres en voiture. Cependant, les gaz dégagés peuvent aussi être toxiques, notamment par combustion de métaux lourds ou du formol utilisé pour conserver le corps.
L’humusation, une alternative à l’inhumation et à la crémation
L'humusation est aussi une solution écologique, favorisant la vie et donnant ainsi du sens à la mort. "L’humusation est un mode de sépulture régénératif, qui permet de transformer des corps humains en humus sain et fertile en quelques mois, sous l’action des micro-organismes du sol. Chaque arbre nourri avec cet humus représenterait un défunt ou une famille de défunt alors réunis", souligne Pierre Berneur, cofondateur du projet Humusation France.
D’après les spécialistes, le terreau issu de cette humusation permettrait de planter et de nourrir, a minima, une vingtaine d’arbres, lesquels absorberaient, en 20 ans, toutes les émissions de CO2 d’une vie entière ! Un joli geste pour la planète et les générations futures. On pourrait ainsi imaginer le futur des cimetières qui seraient des forêts où chaque arbre représenterait un défunt.
“Si tous les Français se faisaient 'humuser', nous aurions 10 millions d’arbres plantés par an et les générations passées offriraient beauté, ombre, oxygène et biodiversité aux générations futures !”
Pierre Berneur, cofondateur du projet Humusation Franceà franceinfo
Pour que l'humusation devienne une réalité, l'association Humusation France agit pour réunir les conditions culturelles, techniques et légales nécessaires à sa mise en œuvre. Rappelons qu’actuellement 70% des français préfèrent l’inhumation à la crémation, mais un rituel respectueux de la planète dès le transport semble faire son chemin.
"Sur du local, on peut avoir recours à un transport hippomobile, c’est-à-dire en calèche. Il y a un double effet : écologique et psychologique. Et sur des trajets plus longs, il existe déjà des corbillards électriques", précise Sandra Roland, consultante en funérailles écologiques.
Des chevaux aux corbillards électriques, le funéraire est un reflet de la société, c’est l’occasion d’une fête en l’honneur du défunt dans certains pays ou, plus près de chez nous, un moment plus solennel fait de recueillement et de compassion.
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