Au Liban, le retrait politique de Saad Hariri ou la fin d'une dynastie familiale
Le dirigeant sunnite Saad Hariri, l’une des personnalités les plus connues du pays et héritier de son père assassiné, vient d’annoncer son retrait de la vie politique.
Un dirigeant politique qui se retire sur un constat d’échec et renonce désormais à briguer toute responsabilité, c’est un événement très rare au Liban, dans ce pays rongé par le confessionnalisme et où les leaders politiques ont pour priorité de préserver leurs avantages.
C'est pourtant ce qui s’est passé dans la soirée du lundi 24 janvier. Au bord des larmes, Saad Hariri a prononcé un bref discours devant ses proches et quelques journalistes pour annoncer sa décision.
Non seulement il se retire personnellement de la vie politique, mais en plus il invite son parti, le Courant du futur, à faire la même chose, et à ne présenter aucun candidat lors des élections législatives prévues à la mi-mai. Un coup de théâtre car les sunnites, un tiers de la population libanaise, perdent l’un de leurs porte-drapeau.
Hariri avance tout un tas de raisons pour justifier sa décision : la trop grande ingérence iranienne dans le pays (via le Hezbollah), et aussi le confessionnalisme et le délitement de l’État. Une attaque à peine voilée contre le fonctionnement de l’ensemble de la classe politique libanaise. Saad Hariri se garde bien toutefois de critiquer l’Arabie Saoudite, qui fut longtemps son principal soutien.
Catapulté en politique après l'assassinat de son père
C’est un événement parce que Saad Hariri est une figure politique majeure dans le pays. Il n’a que 51 ans mais a déjà été trois fois Premier ministre. Propulsé en politique dès l’âge de 34 ans après l’assassinat en 2005 de son père Rafic, également Premier ministre (Rafic Hariri était d'ailleurs très lié à Jacques Chirac).
Au départ, le jeune Saad n’était pas destiné à succéder à son père, puisqu’il avait fait des études de commerce, un MBA aux États-Unis, avant de prendre la tête de la grande entreprise familiale, Saudi Oger, avec la double bénédiction de la France et de l’Arabie saoudite. Mais à la mort de son père, il a donc été catapulté en politique, préféré par les Saoudiens à son frère aîné.
Saad Hariri est longtemps apparu comme un homme de compromis, toujours affable. Mais à partir de 2017, il a été abandonné par ses soutiens saoudiens qui l’ont même convoqué à Ryad où il a subi de mauvais traitements. Il est aussi l’incarnation d’une famille devenue très riche, multimilliardaire, longtemps symbole d’une ascension sociale fulgurante, puisque Rafic Hariri, son père, était lui le fils d’un modeste ouvrier agricole.
Des élections imprévisibles en mai prochain
Ce départ se produit aussi en pleine campagne électorale et en pleine crise économique. Le résultat des élections est imprévisible. Si tant est d’ailleurs qu’elles se tiennent à la date prévue car elles étaient initialement annoncées en mars mais ont été d’ores et déjà reportées à la mi-mai.
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En attendant, la situation économique demeure catastrophique : les prix ont été multipliés par sept en un an, le PIB a fondu de 150% et la monnaie a perdu 90% de sa valeur face au dollar. Les trois quarts des Libanais ont basculé dans la pauvreté. Le Fonds monétaire international est actuellement en pleine négociation avec les responsables politiques libanais pour s’accorder sur un plan d’aide d’urgence.
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