Brésil : les commanditaires de l'assassinat politique de Marielle Franco arrêtés

C'était une promesse de Lula, la justice vient de lever une grande partie du mystère autour de l’assassinat de cette conseillère municipale de la ville de Rio, abattue en pleine rue en mars 2018, quelques mois avant l’élection de Jair Bolsonaro, un coup qui pourrait lui être fatal.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le ministre de la Défense brésilien, Ricardo Lewandowski, annonce l'arrestation de trois suspects pour l'assassinat de Marielle Franco, le 24 mars 2024. (TOM COSTA / BRAZIL'S MINISTRY OF JUSTICE AND)

Le mouvement citoyen "Qui a tué Marielle ?" réclamait depuis six ans le nom des mandataires de l'assassinat politique de Marielle Franco. Trois suspects ont été placés en détention dimanche 24 mars. Le profil de ces trois hommes vient confirmer les convictions de tous ceux qui demandent justice chaque jour depuis six ans. Trois interpellations ont eu lieu dimanche dans les beaux quartiers de Rio, celles des deux frères Brazao, Domingos, ancien conseiller de la Cour des comptes et Chiquinho, député de l’État de Rio. Et le troisième suspect n’est autre que Rivaldo Barbosa, l'ancien chef de la police civile, chargé pendant un temps de superviser l’enquête sur l’assassinat de Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes.

Et pour compléter ce trio, le profil des deux tueurs est tout aussi intéressant. Il s'agit de deux anciens policiers militaires, qui sont emprisonnés depuis 2019. Il y a dans cette affaire le schéma type des milices de Rio : anciens policiers, militaires, hommes politiques, magistrats, pompiers… Des organisations criminelles qui sont souvent bien plus dangereuses que les gangs et qui contrôlent une grande partie des quartiers de la ville, et même bien au-delà.

Des milices dont les méthodes étaient dénoncées par Marielle Franco

Marielle Franco a consacré l’intégralité de sa courte vie politique à les dénoncer. Figure énergique de la gauche brésilienne, c'était une jeune femme noire originaire des favelas, militante LGBT. Cet assassinat politique a profondément choqué le pays. Pour de nombreux Brésiliens la mort de Marielle Franco a, pendant six ans, symbolisé l’impunité totale de l’action des milices sur le territoire. Le coup de filet de dimanche est tout aussi symbolique pour le ministre brésilien de la Défense, Ricardo Lewandowski. "C'est une victoire de l’État brésilien et de nos forces de l’ordre dans le combat qu’elles mènent contre le crime organisé. Ce que révèlent les investigations, c’est le modus operandi des milices à Rio de Janeiro. Un schéma complexe, tentaculaire et j’ai l’impression qu’à partir de cette affaire, nous pourrons peut-être continuer de tirer le fil d’une pelote dont la taille nous échappe encore", a-t-il déclaré.

Lula a régulièrement fait allusion aux liens entre Bolsonaro et les milices

En sous-texte, le message est limpide, la justice brésilienne s’intéressera à tous ceux qui sont en lien avec cette organisation, et pourquoi pas un ancien baron de la ville, député de Rio pendant 28 ans. Et pourquoi pas un homme qui aurait même accédé à la présidence brésilienne en 2018, quelques semaines seulement après la mort de Marielle Franco. Un ancien chef d’Etat qui aurait annulé les ordonnances permettant d’identifier les munitions utilisées par les assassins. Un président qui aurait permis à l’un des trois commanditaires d’être protégé par un passeport diplomatique. Cette enquête a piétiné pendant les quatre années de mandat de Jair Bolsonaro et c’est aussi pour des raisons politiques qu’elle se dénoue aujourd’hui. Jair Bolsonaro est déjà visé par cinq procédures en justice (gestion du COVID, tentative de coup d’Etat…). Si ses liens avec les milices de Rio n’ont jamais été clairement établis, son successeur Lula y a régulièrement fait allusion dans ses discours de campagne, et on peut être certains qu’il laissera la justice faire son travail.

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