Coupe du monde de rugby : les trois hymnes des Irlandais
Deux Irlande, une seule équipe nationale. Contrairement au football, le rugby est parvenu à dépasser l’histoire déchirante de l’île. Samedi soir, pour un match décisif de la Coupe du Monde, l’Irlande sera face à l’Ecosse. Les supporters irlandais donneront de la voix et peut-être plus que les autres, car ils sont les seuls à chanter deux fois avant les matches.
Le XV du Trèfle est en mission depuis toujours. Une mission politique, celle de dépasser toutes les douleurs, tous les antagonismes entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord : entre unionistes et nationalistes, entre catholiques et protestants. À chaque sortie, les joueurs irlandais portent un message : celui d’un peuple uni qui a su traverser les bouleversements politiques. La partition de l’île en 1922 et la période sanglante du conflit nord-irlandais entre 1968 et 1998.
Deux hymnes officiels...
Il a quand même fallu, au fil du temps, retravailler les symboles de ce XV du Trèfle. C’est l’histoire de ces deux hymnes. Le premier, La Chanson du soldat est à la gloire des volontaires engagés, à la fin de la Première Guerre mondiale, dans une lutte pour l’indépendance face aux Britanniques. "Nous sommes des soldats au service de l’Irlande, à l’abri du despote ou de l’esclavage. Au milieu du son des canons, nous chantons la chanson du soldat", sont les paroles de ce premier hymne, un chant militaire résolument indépendantiste.
Au milieu des années 1990, au plus fort des affrontements dans le conflit nord-irlandais, certains joueurs du Nord - au passeport britannique - avouent se sentir mal à l’aise avec cet hymne qu’ils refusent de chanter avant les matches. La fédération demande donc à Phil Coulter, un artiste nord-irlandais, natif de Londonderry (épicentre du conflit) d’écrire l’Appel d’Irlande. "Épaule contre épaule nous répondrons à l’appel d’Irlande", dit ce deuxième hymne. Il est censé transcender tous les clivages politiques, mais Phil Coulter avoue recevoir encore aujourd’hui des mails d’insultes pour avoir "commis" cette œuvre. Il n’est pas simple de rassembler tout le monde.
... et un hymne officieux
Depuis le début de la Coupe du monde, un troisième hymne est apparu dans les tribunes. Celui-ci est officieux, mais terriblement efficace. C’est la chanson Zombie, morceau culte des Cranberries. La chanteuse irlandaise, Dolores O’Riordan, y dénonce la barbarie des attentats de Warrington, le 20 mars 1993. Ce jour-là deux enfants britanniques, de 3 et 12 ans, sont tués par deux bombes de l’Armée républicaine irlandaise provisoire. Cette chanson rejette la violence des nationalistes de l’IRA. La reprise de cette chanson, dans les stades, par les supporters, scandalise aujourd’hui une partie de l’Irlande du Nord. Pour certains, c’est même l’hymne "partitionniste parfait", qui divise le Sud et le Nord. Une interprétation politique, radicale, à l’exact opposé de l’unité pour laquelle se bat depuis toujours le XV du Trèfle.
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