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Covid-19 : l'Allemagne autorise un couvre-feu national qui écorne le principe du fédéralisme

Le Bundestag, le parlement allemand, vient d'adopter une série de mesures très controversées pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Et notamment l’adoption d’un couvre-feu national, une remise en cause du pouvoir des régions, qui est central chez nos voisins.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Angela Merkel glisse son bulletin dans l'urne lors du vote de la loi permettant la mise en place d'un couvre-feu national contre le Covid-19 au Bundestag, à Berlin, mercredi 21 avril 2021. (KAY NIETFELD / DPA)

Le sujet divise les Allemands, quasiment à parts égales entre partisans et adversaires. Le Bundestag a adopté, mercredi 21 avril, une modification de la loi anti Covid-19 renforçant les pouvoirs du gouvernement d'Angela Merkel. La question la plus sensible, c’est donc la décision de la chancelière d’imposer un couvre-feu nocturne dans toutes les zones du pays où le taux d’incidence du virus est supérieur à 100 pour 100 000 habitants. Cela veut dire plus de 80% du pays. Une telle mesure imposée au niveau national, c’est une première.

Les débats parlementaires ont été houleux depuis la mi-avril, y compris au sein même de la majorité de grande coalition CDU-SPD (centre droit/centre gauche). Dans le texte d’origine, le couvre-feu devait débuter à 21 heures et seul un motif impérieux (aller travailler ou aller chez un médecin) pouvait donner une autorisation de sortie. Dans la dernière mouture finalement adoptée, l’horaire de début du couvre-feu a été décalé à 22 heures. Et les Allemands qui veulent aller faire du sport, courir dans les rues, pourront continuer à le faire jusqu’à minuit. Ensuite, rideau jusqu’à 5 heures du matin.

Ces nouvelles mesures vont entrer en vigueur dès le 26 avril pour mieux enrayer l’épidémie, qui a fait désormais plus de 80 000 morts en Allemagne. Mais ces mesures, appelées à durer jusqu’à la fin juin, sont donc loin de faire l’unanimité, y compris chez les scientifiques.

Une remise en cause du pouvoir des régions

Ces mesures soulèvent aussi un autre débat, sensible en Allemagne, celui sur l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement central et les régions. L’Allemagne est un État fédéral, avec 16 régions, 16 länder, qui ont des prérogatives considérables. D’ailleurs jusqu’à présent, il n’y a eu en Allemagne que des couvre-feux locaux, régionaux, ponctuels, par exemple en Bavière ou dans le Bade Wurtemberg. Mais ces dernières semaines, les relations entre Angela Merkel et les Länder se sont tendues sur la gestion de l’épidémie et aussi sur la campagne de vaccination. Le gouvernement central allemand cherche donc à prendre la main, à être désormais en capacité d’imposer les mêmes règles à tout le monde, dans la lutte contre la pandémie. Cela passe mal, dans une population allemande, très attachée au fédéralisme, perçu comme un garde-fou contre les excès du pouvoir central, avec le souvenir traumatique de la période nazie.

Plusieurs partis, notamment les libéraux, semblent donc décidés à saisir la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, la plus haute instance juridique du pays, pour faire invalider ce texte qui, selon eux, va "à l’encontre des droits fondamentaux" en Allemagne. Plusieurs milliers de manifestants ont exprimé leur opposition au texte en se rassemblant mercredi devant le Bundestag.

Les Verts le vent dans le dos

Tout ça se produit également au moment où débute la campagne pour les élections générales prévues le 26 septembre. Angela Merkel va passer la main après 16 ans au pouvoir. Son parti, la CDU de centre droit, est mal en point et ne cesse de reculer dans les sondages.

Son candidat, désigné mardi, Armin Laschet, est peu charismatique. Les hésitations du gouvernement dans la lutte contre le virus font débat. À l’inverse, les Verts ont le vent en poupe, derrière leur candidate Annalena Baerbock, 40 ans. Une dernière enquête d’opinion place même les écologistes en tête des intentions de vote. Une première, là aussi.

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