En Arabie saoudite, la chanson de la rappeuse Asayel Slay crée la controverse
Le clip de la chanteuse a déclenché une polémique révélatrice du combat autour de l'évolution des moeurs dans le royaume.
Elle s’appelle Asayel Slay, et il y a quelques jours, elle a posté sur YouTube un clip baptisé Bint Mecca, en français "La fille de la Mecque". Sur ce clip, on voit la rappeuse dans un café à l’occidentale, d’abord accoudée au comptoir, puis en train de prendre un verre adossée à une rambarde. Elle porte le voile et des lunettes de soleil. Des adolescentes en jean ou en salopette dansent autour d’elle.
Dans les paroles de la chanson, pour moitié en arabe, pour moitié en anglais, la rappeuse fait simplement l’éloge du courage et de la beauté des femmes de la Mecque, qu’elle compare à des "bonbons en sucre".
Tout ça a fortement déplu aux autorités de la ville. Le clip a été retiré du compte YouTube de la chanteuse, qui a été suspendu. Plus encore, le gouverneur de la Mecque a demandé l’arrestation et l’emprisonnement de la chanteuse, pour "non-respect envers les coutumes et les traditions". Difficile de savoir avec certitude si Asayel Slay a effectivement été arrêtée.
Une femme noire et rappeuse, c'en est trop pour les autorités
La question est de savoir ce qui déplaît tant que ça aux autorités saoudiennes dans ce clip. Il n'y a rien de très choquant dans les paroles de la chanson, mais c’est sans doute le principe même d’un clip de rap féminin qui déplaît, symbole de la volonté d’émancipation des femmes dans ce pays de 33 millions d’habitants, longtemps fermé à toute évolution sociale.
Asayel Slay a une autre particularité : elle est métisse. De nationalité saoudienne, elle a sans doute des origines est-africaines. La polémique agite les réseaux sociaux dans le pays : certains commentaires sont ouvertement racistes en demandant à la chanteuse de "rentrer en Afrique". D’autres à l’inverse, sous le hashtag #HelpAsayel dénoncent le racisme et la misogynie.
Saudi Arabia claims to promote entertainment and music, spending millions on Western artists to come to the country and perform.
— Karen Attiah (@KarenAttiah) February 23, 2020
A black Saudi woman rapper released a (dope!) music video called "Girls of Mecca".
After being subjected to racist harassment, she was jailed! https://t.co/BS1XYw2XXB
Le pouvoir souffle le chaud et le froid
La controverse est très révélatrice de la situation politique et sociale dans cette Arabie saoudite qui hésite entre modernisation et conservatisme avec un pouvoir qui souffle le chaud et le froid. D’un côté, le prince hériter Mohammed Ben Salmane a initié plusieurs réformes : autorisation de conduire accordée aux femmes, réouverture des cinémas et des salles de concert, organisation de concerts pop, tolérance sur l’existence de restaurants totalement mixtes. Mais d’un autre côté, la répression est toujours là.
En décembre dernier, plus de 120 personnes ont été arrêtées pour avoir porté des vêtements inappropriés, trop moulants, etc. Des dizaines de militants des droits de l’homme, de journalistes, de blogueurs sont emprisonnés. Leur nombre a triplé en trois ans. L'Arabie saoudite occupe un triste 172e rang au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, sur 179 pays.
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