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En Chine, le travail forcé des Ouïghours pour Nike et d'autres grandes marques

Un rapport australien accuse le gouvernement chinois d'organiser le travail forcé de la minorité ouïghoure, dans des usines de sous-traitants des grandes marques internationales. Plus de 80 multinationales sont concernées, dans le secteur du textile, des nouvelles technologies ou de l'automobile.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un camp de rééducation de membres de la communauté ouïghoure, à Hotan, en Chine (illustration). (GREG BAKER / AFP)

Dans la région séparatiste du Xinjiang (nord-ouest), les autorités chinoises sont engagées dans une politique de répression de la minorité musulmane ouïghoure. Au nom de la lutte contre "l'extrémisme religieux", Pékin a notamment mis sur pied des camps de rééducation, officiellement qualifiés de "centres de formation professionnelle".

Les Ouïghours, qui y sont souvent privés de leur liberté de mouvements, sont contraints de renoncer à leur religion, à leur culture - et soumis à un endoctrinement politique permanent. D'après les organisations de défense des droits de l'homme, au moins un million de personnes ont ainsi été internées depuis 2017 - chiffre démenti par Pékin.

Transférés du camp à l'usine

Cette campagne de rééducation est entrée dans une nouvelle phase : après avoir passé plusieurs mois - voire plusieurs années - dans ces camps, ces "stagiaires" comme les appellent les responsables gouvernementaux, sont jugés aptes au travail. Ils représentent surtout une main d'oeuvre docile qui peut être envoyée à l'autre bout du pays, "au nom de la lutte contre la pauvreté", disent les médias d'Etat - qui parlent de transferts de "forces de travail excédentaires".

Le rapport extrêmement documenté de l'ONG australienne ASPI (en anglais) détaille le vaste programme de transfert de main d'oeuvre, créé par le gouvernement central : il conduit parfois directement les Ouïghours de leur camps de rééducation du Xinjiang dans des usines situées à plusieurs milliers de kilomètres. Entre 2017 et 2019, plus de 80.000 Ouïghours ainsi emprisonnés dans la région du Xinjiang ont été transférés ailleurs en Chine.

ASPI a identifié 27 usines au total, situées dans neuf provinces différentes. Des usines où les conditions de travail sous contrainte s'apparentent évidemment à du travail forcé... des usines de sous-traitance qui font très officiellement partie des chaînes d'approvisionnement des plus grandes marques internationales.

Un sous-traitant de Nike visé

Dans l'une de ces usines, qui fabrique chaque année près de sept millions de paires de chaussures pour Nike, l'équipementier américain, il y a des tours de guet et des barbelés.

Les travailleurs ouïghours, contrairement aux autres, ne peuvent rentrer chez eux pour les vacances. Ils sont libres de marcher dans les rues autour de l'usine, mais leurs allées et venues sont surveillées par un poste de police équipé de caméras à reconnaissance faciale. et le soir, après l'usine, ils doivent étudier le mandarin, chanter l'hymne national chinois et suivre des cours d'"éducation patriotique".

Plus de 80 multinationales sont concernées. Dans le domaine des nouvelles technologies : Apple, Sony, Samsung, Nokia mais aussi Huawei le Chinois. Dans le textile : Adidas, Lacoste, Gap, Uniqlo, H&M... Ou encore dans l'automobile : BMW, Volkswagen, Mercedes, etc.

"Pas de relation directe avec ces fournisseurs"

Volkswagen, le constructeur allemand, assure qu'aucun fournisseur mentionné dans le rapport n'est actuellement l'un de ses fournisseurs directs. Même son de cloche du côté d'Adidas, Bosch et Panasonic, qui ont assuré auprès de l'ONG n'avoir "aucune relation directe" avec les sous-traitants impliqués.

L'ONG leur demande toutefois de diligenter le plus rapidement possible "des enquêtes indépendantes sur le respect des droits humains dans les usines qui les approvisionnent en Chine". Elle rappelle que toutes ces entreprises sont en infraction avec les lois interdisant l'importation de biens produits par le biais au travail forcé, et demande aux gouvernements étrangers de faire pression sur Pékin pour mettre un terme à ces pratiques.

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