En Inde, la Cour suprême examine la légalisation du mariage pour tous
Les débats ont débuté à 11 heures mardi 18 avril et vont durer plusieurs jours. Ils sont retransmis en direct, par souci de transparence, précise la Cour. Le sujet fait la Une de tous les grands médias indiens qui proposent des suivis en continu et relaient sur leurs sites cette retransmission live. La question divise le pays. La Cour a d'ailleurs choisi une configuration rare pour entendre tous les arguments : cinq juges convoqués pour l'occasion. C'est le cas uniquement pour les questions juridiques très importantes.
La Cour a regroupé toutes les saisines qu'elle a reçues sur le sujet pour prendre une seule décision. Au total, 18 pétitions ont été envoyées à la justice, initiées par 18 couples différents, tous de même sexe, des couples d'hommes ou des couples de femmes. Leur argument-clé, c'est de dire que la Constitution indienne donne le droit aux citoyens de se marier avec la personne de leur choix, sans aucune référence à son orientation sexuelle. Dès lors, ajoutent les pétitionnaires, peu importe ce qui relève de la morale personnelle. La Constitution s'impose.
Les militants pro-mariage pour tous savent aussi que la tolérance vis-à-vis de l'homosexualité progresse régulièrement en Inde. Il y a dix ans, seulement 15% des Indiens acceptaient l'homosexualité. Ils sont aujourd'hui 37%. Et selon de nombreuses estimations, l'Inde et ses 1,4 milliard d'habitants, compte des dizaines de millions d'homosexuels, peut-être plus de 100 millions.
Une forte opposition du gouvernement et des chefs religieux
En face, le gouvernement et les dirigeants religieux sont vent debout. Le gouvernement hindouiste et nationaliste de Narendra Modi a transmis à la Cour un mémorandum de 102 pages contre cette légalisation du mariage pour tous. Selon le pouvoir en place, cette revendication est uniquement le fait "d'une élite urbaine". Et une telle légalisation saperait les fondements du mariage et de la société indienne.
Fait rarissime, les principaux leaders religieux du pays sont pour une fois tombés d'accord pour adopter la même position. Dirigeants hindouistes, musulmans, sikhs, chrétiens affirment que "le mariage a un but procréatif et non récréatif". Une vingtaine d'anciens juges de la Cour suprême ont eux aussi publié une lettre ouverte en dénonçant "le risque d'un impact dévastateur sur les enfants et la famille". Certaines des pétitions visent également à demander la légalisation de l'adoption par les couples de même sexe. Et cette demande a reçu l'appui de la principale organisation de médecins psychiatres du pays. Bref, le pays est profondément divisé sur cette question.
Taïwan cas unique en Asie
La décision indienne est surveillée par toute l'Asie. Si l'Inde autorise le mariage pour tous, ce serait le 35e pays au monde à le faire. Mais seulement le deuxième en Asie, où seul Taïwan a pris cette décision il y a quatre ans. Si l'Inde faisait de même, d'autres pays comme la Thaïlande, la Corée du Sud, le Japon pourraient à leur tour basculer.
Il est difficile de prédire le choix de la Cour suprême indienne. Ces dernières années, elle s'est généralement montrée libérale sur les questions de société, par exemple en décriminalisant l'homosexualité. Et la Cour tend à se montrer résistante face aux injonctions du pouvoir politique. Mais cette fois la pression est très forte.
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