En Pologne, une simulation militaire face à une invasion russe tourne au désastre
La presse polonaise vient de dévoiler cette opération classée secret défense. Elle tend à démontrer que le pays ne résisterait pas à une invasion russe. Les révélations font scandale.
L’opération s’appelle Zima 2020, ("hiver 2020"). Elle a été conduite en Pologne il y a quelques semaines. Ses conclusions, théoriquement classées secret défense, viennent d’être dévoilées début février par plusieurs sites d’information polonais, notamment Interia et Onet. Enseignement principal : les chars russes pourraient atteindre Varsovie au bout de quatre jours, ça fait désordre.
C’est évidemment un scénario hypothétique, mais il fait peur aux 38 millions de Polonais, qui regardent la Russie comme l’ennemi à leurs portes, avec en mémoire le traumatisme de l’invasion combinée germano-soviétique de septembre 1939. Un mois et c’était achevé. Interia raconte l’affaire par le détail : le scénario de Zima prévoyait une mobilisation générale des 140 000 soldats de l’armée polonaise, avec l’appui de l’OTAN et l’appui aussi d’un nouveau système anti-aérien américain, qui n’est même pas encore déployé. Malgré tout ça, le résultat de la simulation est un fiasco, avec des pertes humaines colossales en première ligne, des ports rapidement contrôlés ou bloqués par les Russes, et Varsovie donc assiégée à l’aube du cinquième jour. Le ministère de la Défense polonais se refuse à tout commentaire, mais il ne dément pas ces révélations.
La Russie fait aussi ses simulations militaires
À ce stade, ce n'est que de la politique fiction : on n'imagine pas la Russie envahir demain la Pologne. Néanmoins, il y a quand même ce précédent historique de 1939. Et puis l’enclave russe de Kaliningrad n’est qu’à 350 km au nord de Varsovie. À l'est, la frontière biélorusse est à seulement 200 km, sachant qu’un partenariat militaire lie la Russie à la Biélorussie.
Qui plus est, le régime de Vladimir Poutine se livre lui aussi régulièrement à des simulations de ce type. La dernière date de septembre 2020, mais il y en a quasiment tous les ans, avec des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de soldats mobilisés à la frontière ouest de la Russie, à côté des États Baltes, donc non loin de la Pologne. Moscou présente ces exercices comme des répétitions à nature uniquement défensive. Mais vu de Pologne, ça crée de l’inquiétude.
L'envie polonaise d'une base américaine
La fuite de ces informations confidentielles secret défense peut aussi relever de la manipulation et c'est une hypothèse tout aussi intéressante. La fuite peut avoir deux origines. D’abord, le gouvernement conservateur au pouvoir en Pologne peut indirectement en profiter, parce qu’il cherche depuis plusieurs années à obtenir l’implantation d’une base militaire américaine permanente sur le sol polonais. Environ 4 000 soldats américains sont déjà stationnés en Pologne, et Donald Trump, quand il était encore à la Maison Blanche, avait promis davantage. Que va-t-il se passer avec Joe Biden ? Le sujet inquiète forcément Varsovie. Donc se dire vulnérable est une façon d’obtenir la protection recherchée. Deuxième option, l’Otan. En Europe, plusieurs voix critiquent l’organisation militaire transatlantique, notamment Emmanuel Macron, qui avait parlé de "mort cérébrale". L’idée d’une défense européenne reste sur la table. L’Otan a donc tout intérêt à défendre sa pertinence, et peut donc utiliser cette simulation comme un argument pour obtenir plus de moyens. Mais c’est un jeu à double tranchant, vu l’ampleur du fiasco décrit par les médias polonais.
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