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Kim Jong-un en larmes lors du défilé militaire nord-coréen

Le pays a célébré ce week-end son 75ème anniversaire avec un défilé militaire impressionnant. Des cérémonies marquées par un événement inattendu : les pleurs du dictateur.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en larmes lors de son discours à l'occasion du 75e anniversaire du régime, le 10 octobre 2020 à Pyongyang (CAPTURE D'ECRAN YOUTUBE / KOREAN CENTRAL TELEVISION)

L’image est saisissante. S’il y a bien une chose inattendue sur le visage d’un dirigeant totalitaire, ce sont des larmes. Kim Jong-un est en plein discours, lorsqu’il retire ses lunettes pour essuyer des pleurs. Il vient alors, juste avant, de présenter des excuses au peuple nord-coréen : "Notre peuple a placé sa foi en moi, aussi haut que le ciel et aussi profond que les océans, mais j’ai échoué à être en permanence au niveau des attentes, et j’en suis profondément désolé."   Le dirigeant de 37 ans, qui tient son pays d’une main de fer depuis huit ans, comme avant lui son père et son grand-père, admet un échec et l’exprime avec des larmes.

Tout cela est surprenant, mais voulu et calculé. En effet, les images n’ont pas été retransmises en direct. Elles ont été diffusées 12 heures après la cérémonie. Le choix de montrer Kim Jong-un en pleurs est donc délibéré. Et d’ailleurs, sur les plans de coupe, on voit ensuite les autres dirigeants du pays également en pleurs. C’est vraiment étonnant à regarder.  

Des crises en série

La Corée du Nord est tellement opaque qu’on en est réduit à spéculer sur les explications. Il y sans doute une stratégie de Kim Jong-un : apparaître comme proche du peuple, dont il donne ainsi l’impression de partager les difficultés. Les images des autres dirigeants en larmes sont plus classiques : on les voit régulièrement sur les vidéos nord-coréennes, c’est une expression du culte absolu de la personnalité, de l’émotion que suscite un discours du chef.

Mais pour plusieurs experts de la Corée du Nord, cet épisode révèle sans doute aussi les difficultés traversées par le pays. La Corée du Nord est confrontée à plusieurs crises simultanées : l’épidémie de Covid (même si officiellement elle n’a fait aucun mort dans le pays), les catastrophes climatiques avec trois typhons successifs, et les énormes difficultés économiques, accrues par les sanctions internationales dans le dossier du nucléaire. Kim Jong-un est donc peut-être affaibli : il a en fait consacré plus du tiers de son discours à s’excuser de ses insuffisances et à féliciter le peuple. L’étoile montante dans le régime, c’est désormais plutôt sa sœur, Kim Yo-jong.  

Le plus gros missile balistique au monde

Mais tout ça n’empêche pas le régime de montrer les muscles sur le plan militaire : ce défilé a été marqué par la présentation de nouveaux équipements militaires, notamment un énorme missile balistique intercontinental : 25 mètres de long sur un chariot gigantesque, et capable de porter trois à quatre ogives. Son apparition a d’ailleurs arraché un sourire à Kim Jong-un. Il n’a pas pleuré tout le temps. Ce missile est potentiellement le plus gros missile mobile au monde, capable sur le papier d’atteindre les Etats-Unis en traversant tout le Pacifique.

Cela dit, il y a un doute : la Corée du Nord est spécialiste des images truquées, et c’est donc peut-être uniquement une maquette, ou un missile incapable de fonctionner. Comme souvent avec la Corée du Nord, il faut peut-être regarder le sujet à l’envers. Et voir dans la menace que peut représenter ce missile un appel du pied pour reprendre les négociations sur le nucléaire, bloquées depuis le sommet de Hanoï l’an dernier.        

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