L'Espagne va renforcer le droit à l'avortement et instaurer un congé pour règles douloureuses
Au moment où les États-Unis semblent sur le point de revenir en arrière sur le droit de l'avortement, l'Espagne avance en sens inverse. Un projet de loi présenté ce mardi va au contraire renforcer l'accès à l'IVG.
En Espagne, l'objectif numéro un de ce texte présenté mardi 17 mai devant le Conseil des ministres, c'est que chaque femme puisse accéder à l'avortement dans un hôpital public à proximité de chez elle. En théorie, ce principe est déjà encadré par une loi précédente datant de 2010 : l'IVG est possible jusqu'à 14 semaines de grossesse (comme en France) et jusqu'à 21 semaines en cas de danger pour la vie de la mère ou de l’enfant, notamment une malformation du fœtus. Alors pourquoi ce nouveau texte s'il y a déjà une loi ? Parce que dans la pratique, dans de nombreux hôpitaux publics, les médecins invoquent l'objection de conscience pour refuser de pratiquer les IVG. Conséquence : dans plusieurs régions du pays, comme celle de Tolède dans le Sud, aucun avortement n'est pratiqué. Et de nombreuses femmes doivent se rendre dans une région voisine pour pouvoir avorter. Dorénavant, les médecins qui refusent de pratiquer l'intervention devront s'inscrire sur un registre public. Et tous les hôpitaux auront l'obligation de trouver une solution. Le nouveau texte présenté par le gouvernement de gauche de Pedro Sanchez, prévoit également de supprimer le délai de trois jours de réflexion qui était imposé aux femmes souhaitant avorter. Elles pourront désormais le faire immédiatement.
Le congé menstruel, une première en Europe
Le texte ne porte pas seulement sur l’avortement : il entend créer un nouveau droit qui serait une première en Europe. Il porte d'ailleurs officiellement sur "la protection des droits sexuels et reproductifs". Et son autre grande innovation est la création d'un congé menstruel : autrement dit la possibilité pour les femmes de poser 3 à 5 jours de congés en cas de règles douloureuses. En particulier en cas de crampes et de nausées. Si le texte présenté par le gouvernement est adopté, l'Espagne deviendra le premier pays en Europe à adopter cette réforme. Seule une poignée de pays asiatiques (notamment le Japon et Taiwan) ont instauré ce droit jusqu'à présent. Certains syndicats sont d’ailleurs très critiques vis-à-vis de cette mesure car ils redoutent un effet de discrimination à l'embauche envers les femmes. Mais la ministre de l'égalité Irene Montero l'a répété lundi matin sur la radio espagnole Cadena Ser : la décision est prise et elle est "révolutionnaire". La réforme entend également garantir la gratuité des contraceptifs hormonaux et de la pilule du lendemain. En revanche, après des négociations un peu serrées au sein du gouvernement, l'idée d'une suppression de la TVA sur les produits d'hygiène féminine a été écartée. La TVA devrait donc être maintenue. De même le gouvernement a renoncé pour l'instant à élargir le congé maternité qui ne débute en Espagne que trois semaines avant le terme de la grossesse.
Un possible recours constitutionnel
Ce projet de loi a de bonnes chances d'aboutir : une majorité au Parlement devrait se dégager. D'autant que le texte est donc déjà le fruit de négociations et de compromis au sein du gouvernement, négociations qui ont duré jusqu'au dernier moment : le texte n'était pas bouclé il y a encore une semaine. Il faudra compter ensuite avec de possibles recours constitutionnels des partis de droite, le PP (parti populaire) et le mouvement d’extrême droite, Vox. Mais le Tribunal Constitutionnel espagnol est composé d’une majorité de juges considérés comme "progressistes", 7 contre 5. C’est là aussi toute la différence avec les États-Unis.
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