La mobilisation des entreprises américaines dans la lutte antiraciste est à double tranchant
Alors que les manifestations continuent aux Etats-Unis après la mort de George Floyd, plusieurs grandes sociétés expriment leur solidarité avec la communauté noire. Mais ces prises de position ne font pas l’unanimité.
La mobilisation est particulièrement flagrante au sein des grandes firmes d’équipement sportif, dans l’univers du numérique et dans le monde du divertissement et de la communication. Côté sport, Nike a été la première firme à réagir en modifiant son slogan "Just do it" en "Don’t do it" (N’ignorez pas le problème du racisme). Nike est partenaire du footballeur américain Colin Kaepernick, une figure de la lutte antiraciste. Reebok, Puma, Adidas, ont emboîté le pas. Adidas a mis tous ses logos sur fond noir sur les réseaux sociaux, et ajouté le mot racisme barré d’un trait.
L'oiseau bleu de Twitter est devenu noir
Les expressions de solidarité publique sont nombreuses également dans le monde du spectacle : Disney, HBO, Columbia ont tous publié des communiqués autour du slogan "Black Lives Matter" (la vie des Noirs compte). Et Netflix a tweeté : "Rester silencieux, c’est être complice". Les réseaux sociaux et les entreprises du numérique sont également mobilisés : Facebook débloque 10 millions de dollars pour des projets de justice raciale, YouTube fait la même chose avec un million de dollars. Google affiche un message de soutien sous sa barre de recherche. Et Twitter, désormais en conflit ouvert avec Donald Trump, a coloré son logo, son célèbre oiseau bleu… en noir !
L'enjeu commercial des teenagers noirs américains
Il y a donc beaucoup d’expressions de solidarité, mais avec aussi beaucoup d’arrière-pensées. Ces firmes cherchent à se faire ou se refaire une virginité en associant leur nom à une valeur morale, en l’occurrence l’antiracisme. Elles travaillent leur image de marque et veulent surtout éviter un boycott de leurs produits. Pour nombre de ces firmes, l’enjeu commercial est majeur. En particulier les sociétés d’équipement sportif : la clientèle afro-américaine est essentielle pour Nike, Adidas ou Reebok. Ce sont même souvent les teenagers noirs américains qui définissent les tendances et les évolutions de la mode en la matière. Ces entreprises ne peuvent pas se permettre de se mettre à dos autant de clients potentiels. Donc il y a aussi du cynisme et des intérêts mercantiles derrière ces prises de position publiques un brin opportunistes.
L'absence des noirs dans les postes de direction
Et d’ailleurs, cela ne fait pas l’unanimité, et cela suscite au moins deux types de débats, deux types de critiques. La première vise spécifiquement les plateformes numériques. Par exemple, l’association antiraciste américaine Sleeping Giants, critique Youtube : "Votre hypocrisie n’a pas de limite, vu que vous avez tout fait pour éviter de retirer les vidéos racistes de votre plateforme".
Your hypocrisy knows no bounds. As a platform that has done its very best to avoid having to remove any videos from racists, white supremacists and hate mongers, you should be ashamed of even tweeting about this. Too little, too late.https://t.co/ABKLKGypBc
— Sleeping Giants (@slpng_giants) May 30, 2020
La controverse sur ce sujet touche aussi Facebook, dans une moindre mesure. La deuxième critique dénonce de beaux discours antiracistes sans rapport avec la réalité dans les entreprises en question, où les noirs sont généralement cantonnés dans des fonctions subalternes et n’occupent que rarement des postes de direction. Rappelons par exemple que parmi les 30 plus grandes entreprises américaines du Dow Jones, une seule, le laboratoire pharmaceutique Merck, est dirigée par un Noir, Ken Frazier. Plusieurs associations appellent donc à accroître la discrimination positive dans les grandes sociétés.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.