Cet article date de plus de deux ans.

Le Chili fait l'inverse des États-Unis et veut inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution

L’émotion est toujours très vive outre-Atlantique après la décision de la Cour suprême mettant fin au droit fédéral à l’avortement. Certains pays, comme la France, se demandent à l’inverse s’il ne faut pas inscrire ce droit dans la Constitution. En Amérique du Sud, le Chili s'apprête à le faire. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des femmes tiennent une banderole indiquant "Le droit à l'avortement dans la Constitution" lors d'une manifestation devant l'ancien Congrès national, à Santiago, au Chili, le 28 septembre 2021. (PABLO VERA / AFP)

Le Chili peut en effet devenir dans quelques semaines le premier à graver ce droit dans le marbre constitutionnel. En tout cas, ce droit à l’IVG figure dans la nouvelle loi fondamentale, la nouvelle Constitution qui vient d’être rédigée et sera soumise à référendum au Chili le 4 septembre prochain. C’est l’article 16 du texte. Il prévoit que l’État sera "le garant des droits sexuels et reproductifs sans discrimination" et assurera le droit à une interruption volontaire de grossesse, pour, je cite, "toutes les femmes et personnes capables de porter des enfants".

L’article ne prévoit même pas de délai pour l’avortement : la fixation de ce délai maximum sera laissée à l’appréciation de la loi. Les associations féministes, très mobilisées dans le pays, ont mené une campagne incessante au printemps dernier pour obtenir la rédaction de cet article 16. L’Assemblée constituante chargée de rédiger ce nouveau texte est totalement paritaire, hommes-femmes. La nouvelle loi fondamentale a vocation à succéder à l’ancienne Constitution datant de l’époque de la dictature Pinochet.

Le recul du poids de l'Église

C’est une révolution pour le Chili, parce qu’il s'agit d’un pays où la religion est très présente. L’Église catholique demeure puissante dans ce pays de 19 millions d’habitants, comme dans une grande partie de l’Amérique latine. D’ailleurs, l’avortement n’est pleinement légalisé que dans 4 pays latino-américains : Cuba, l’Argentine, l’Uruguay et le Guyana. Il est partiellement dépénalisé en Colombie et au Mexique. À l’inverse, il reste totalement interdit dans de nombreux pays, en particulier en Amérique centrale. Au Chili, le poids de l’Église et des groupes ultra-conservateurs comme l’Opus Dei a longtemps empêché toute évolution, même après la fin de la dictature. Le divorce n’a été autorisé qu’en 2004 et l’IVG est resté interdit dans tous les cas de figure jusqu’en 2017. Aujourd’hui encore, il n’est autorisé que dans les cas de viol ou de danger pour la vie de la mère ou du fœtus. D’ailleurs le pays ne compte qu’un millier d’avortements légaux par an, pour près de 70.000 avortements clandestins. Mais l’évolution de la société est rapide ces dernières années : la pratique religieuse est en recul, l’Église a été secouée par de multiples scandales de pédophilie. Et désormais, selon un sondage de l’automne dernier, 73% des Chiliens sont favorables à l’IVG.  

Le risque du Non lors du référendum

Encore faut-il quand même que cette nouvelle Constitution, avec son article 16, soit adoptée et ce n’est pas acquis. Les Chiliens sont très majoritairement favorables à ce qu’il y ait une nouvelle Constitution. Mais les méthodes de l’Assemblée constituante ne font pas l’unanimité. Il n’est donc pas certain que le "oui" l’emporte lors du référendum du 4 septembre prochain. Pour l’instant, c’est même le Non qui est en tête dans les enquêtes d’opinion. En plus, comme toujours dans les cas de référendum, certains électeurs seront tentés de profiter de l’occasion pour faire passer un autre message, en l’occurrence exprimer leur opposition au nouveau président chilien, le jeune Gabriel Boric. Enfin, évidemment, la décision de la Cour suprême américaine a regonflé les milieux conservateurs chiliens et les mouvements anti-IVG. Ils ont deux mois devant eux pour chercher à faire barrage à cet article 16 en appelant à voter Non.    

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.