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Le nouveau patron de Wagner en Afrique s'affaire pour assurer les intérêts de la Russie

Depuis la mort d’Evgueni Prigojine, Dmitri Sytyi est le nouveau patron officieux du groupe paramilitaire Wagner en Afrique. Il s’affaire depuis plusieurs semaines sur le continent africain pour assurer le marché de la sécurité privée.
Article rédigé par Olivier Poujade
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Dmitri Sytyi, le nouveau patron officieux de Wagner en Afrique, entouré de députés centrafricains sur les marches de l'Assemblée nationale à Bangui le 15 octobre 2021. (/ AFP)

La semaine dernière, un mois après les obsèques de Evguéni Prigojine, le Kremlin a officialisé le nouveau recruteur du groupe Wagner : Andreï Trochev. Il incarnera désormais la plus connue des sociétés paramilitaires russes dont les principales activités se situent en Afrique. Un marché de la sécurité privée que Moscou n’a pas l’intention de laisser filer.

C’est sans doute pour cette raison qu’un autre homme de 34 ans s’active depuis de longues semaines en Centrafrique, au Soudan, au Mali, au Niger, pour s’assurer que les clients de Wagner ne fuiront pas. Cet homme, c’est Dmitri Sytyi. Il n’a absolument pas un profil militaire, mais plutôt celui d’un jeune cadre commercial. Il est passé par plusieurs universités européennes, dont la dernière la SKEMA Business School de Lille, avant d’être recruté pour intégrer une ferme de trolls de Wagner, pilotant la propagande anti-Occident en Afrique. Dmitri Sytyi est aujourd’hui le patron officieux du groupe Wagner en Afrique. Il est chargé de faire tourner la boutique, avec plusieurs milliards d’euros issus de l’extraction de bois, d’or et de diamants contre l’expertise et l’assistance militaire de 5 000 mercenaires.

De plus en plus de mercenaires dans le monde

Le marché des Sociétés Militaires de Sécurité Privées (SMSP) est en pleine expansion. Selon le Centre de Genève pour la gouvernance de la sécurité, ces sociétés emploient aujourd’hui - souvent pour le compte des Etats qui les hébergent - plusieurs millions de personnes dans le monde. Dans une industrie brassant des centaines de milliards d’euros, Wagner n’est pas seul et le secteur est en constante évolution. Le professeur Sorcha MacLeod, membre du groupe de travail des Nations Unies sur les mercenaires, explique par exemple comment le recrutement de ces sociétés s’est considérablement élargi. Il y a 20 ans, on parlait de quelques centaines de mercenaires dans le monde, ils sont aujourd’hui déployés par milliers sur des théâtres d’opérations, là où les clients les réclament. "Ce qui est nouveau et différent sur le profil des mercenaires contemporains, c’est que les Etats les recrutent ailleurs, dans des pays déjà affectés par la guerre, en les transférant sur des opérations différentes. La Turquie l’a fait dans le conflit du Nagorny Karabagh mais également en Libye. Les Russes l’ont aussi en Libye, en Centrafrique et même ailleurs", explique le professeur MacLeod.

Depuis 20 ans les sociétés militaires se succèdent en Afrique

Des Etats pratiquent la guerre par procuration : ils sous-traitent l’action militaire à des sociétés privées, en prenant soin de ne pas être exposés politiquement. En Afrique, depuis 20 ans, des dizaines de sociétés militaires se sont succédées. Les Russes de Wagner, les Turcs du groupe SADAT, les Sud-Africains d’Executive Outcomes (parmi les tout premiers). Des rapports de l’ONU s’intéressent également à l’activité en République démocratique du Congo de la société Agemira, enregistrée en Bulgarie, mais fondée en France.

Un statut bien pratique pour échapper aux règles sur le mercenariat. Ce qui permet de brouiller les pistes et d’échapper aux lois internationales sur les règles d’engagement, le respect des droits de l’Homme ou du droit humanitaire. De plus en plus d’Etat fragilisés se tournent vers ces sociétés militaires pour assurer leur sécurité et se rendent compte, par la suite, qu’ils n’ont aucun moyen d’empêcher les pillages et les exactions.

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