Le Premier ministre indien Narendra Modi à Paris, sur fond de désaccord sur l'Ukraine
Le Premier ministre indien passe la soirée à l’Elysée. Emmanuel Macron cherche à ménager ce partenaire, mais il y a beaucoup de désaccords sur la position vis-à-vis de Moscou.
C’est une escale rapide: un entretien bilatéral puis un dîner. Et les discussions ne s’annoncent pas faciles sur le sujet principal qu’est la guerre en Ukraine. Officiellement, New Delhi tient, depuis le début, un discours très politiquement correct : "Nous sommes pour la paix, personne n’a rien à gagner avec cette guerre, le dialogue est le seul moyen de résoudre ce conflit".
Mais derrière ce discours, dans les faits, l’Inde s’est plutôt rangée du côté de Moscou, qui est un partenaire de longue date avec lequel Narendra Modi ne veut surtout pas se fâcher. Malgré les pressions occidentales, New Delhi s’est abstenu de condamner l’invasion russe lors des deux votes organisés à l’ONU en mars. Et l’Inde se refuse également à toute sanction contre Moscou. Cela va plus loin. Dès la fin mars, à l’issue d’une visite du chef de la diplomatie russe en Inde, New Delhi s’est entendu avec Moscou pour acheter des millions de barils de pétrole russe à prix réduit. Les deux capitales veulent également créer un mécanisme de paiement en roubles et roupies, une façon de contourner les sanctions occidentales.
Moscou premier fournisseur d'armes de New Delhi
Plusieurs raisons expliquent cette volonté indienne de ne pas se fâcher avec Moscou. D’abord Moscou est le premier fournisseur en armes de New Delhi : systèmes de défense anti-aérien, achat de missiles S400, maintenance d’avions de combats. L’Inde, c’est le troisième budget de défense au monde, la deuxième armée de la planète par la taille des effectifs. Et New Delhi a besoin de l’appui russe pour tenir tête à ses voisins, le Pakistan et la Chine, dans des zones frontières sous haute tension où les accrochages sont récurrents.
Narendra Modi a aussi développé une gouvernance populiste et nationaliste, aux accents de plus en plus religieux, qui prônent en l’occurrence la suprématie de l’hindouisme. Et on voit bien là les affinités avec le "modèle" autoritaire à la Poutine, où là également les accents religieux sont devenus plus marqués au fil des ans, avec l’appui du patriarche de l’Eglise orthodoxe de Moscou.
Un partenaire majeur pour Paris
Néanmoins Paris veut malgré ménager New Delhi. D’ailleurs, Narendra Modi est le premier dirigeant étranger que rencontre Emmanuel Macron depuis sa réélection. Donc il y a quand même un symbole. Et le Premier ministre indien a tenu à rajouter cette étape parisienne à sa tournée européenne, qui l’a également conduit en Allemagne et au Danemark.
Paris ménage New Delhi pour des tas de raisons. D’abord l’Inde est un géant, dont le poids économique et politique ne cesse de grandir. D’ici 2030, ce sera le pays le plus peuplé de la planète, avec 1,4 milliard d’habitants, devant la Chine. Ensuite l’Inde est un élément-clé de la stratégie géopolitique de la France, dans la zone dite Indo-Pacifique où Paris a connu l’an derniers des heures difficiles, avec la volte-face de l’Australie dans le dossier de l’achat des sous-marins. Il y a aussi un intérêt commercial : la France elle aussi vend des armes à New Delhi. En particulier des avions Rafale, 36 au total depuis six ans. Enfin, l’Inde est considérée, à juste titre, par Paris, comme un pivot de la lutte contre le réchauffement climatique. Impossible de limiter la hausse des températures sans un engagement massif de l’Inde à renoncer au plus vite à ses centrales à charbon ultra polluantes. Ça fait beaucoup d’arguments. Donc on ferme un peu les yeux sur l’Ukraine.
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