Le président des Tibétains en exil dresse un bilan sombre du monde et nous interroge sur notre rapport à la violence
Penpa Tsering a la voix douce et l'attitude de ceux qui vous respectent avant tout. Il a le regard humble et le ton posé, mais on aurait tort de ne pas prêter attention au message qu'il tente de faire passer à l'Occident. De passage à Paris, il nous fait part de ses observations sur le fonctionnement du monde face aux différents combats contre l'envahisseur.
Région rattachée à la Chine et peuplée de 6 millions d'habitants, le Tibet est revendiqué par le gouvernement tibétain en exil depuis la fuite en 1959 du 14e dalaï-lama en Inde. Dès lors, celui-ci se donne pour mission de prendre en charge les réfugiés tibétains et de "restaurer la liberté au Tibet". Sa revendication d'un "Tibet indépendant" se transforme après 1973 en revendication d'une "autonomie véritable". Depuis que le dalaï-lama a renoncé à son pouvoir politique en 2011, à l'âge de 76 ans, des élections désignent ses successeurs. Mais malgré un système institutionnel élaboré, ce gouvernement en exil installé à Dharamsala (Inde) depuis 1960, n'est reconnu par aucun État.
"Ce n'est pas la souffrance, mais la violence qui attire l'attention"
Pour lui, l'heure est plus grave qu'on ne le pense. Elle l'est d'abord pour les Tibétains qui meurent à petit feu, après 63 ans d'occupation chinoise, victimes d'une répression sans retenue : "Le gouvernement chinois se comporte comme un gouvernement colonial, notamment dans les écoles tibétaines. Ils n’enseignent plus le tibétain, ils éloignent les enfants tibétains de leurs familles, de leur culture, de leur langue, de leur religion. C’est ce qui explique le désespoir des Tibétains, de ceux qui s’immolent par le feu et meurent."
En effet, les nouvelles du Tibet ne sont pas bonnes, mais les combats violents font la une quand personne ne prête attention à des révoltés qui prônent la non-violence : "Je pense que vous n’oubliez pas seulement les Tibétains, vous oubliez tous ceux qui souffrent dans ce monde. Malheureusement, le monde accorde trop d'attention à la violence. Vous avez Israël et le Hamas, vous avez la Russie et l'Ukraine, tous les médias, tous les leaders politiques se rendent sur place. C'est comme si tous voulaient promouvoir la violence. Pourquoi le monde ne prête-t-il pas plus attention à ceux qui utilisent la non-violence, comme les Tibétains ?"
"Les régimes dictatoriaux pourraient devenir plus puissants que les autres"
Pour Penpa Tsering, 2024 devrait nous rapprocher d'une période de progrès économique, éducatif, scientifique et toutes ces avancées devraient permettre au monde de vivre mieux. Pourtant, le président des Tibétains en exil dresse un bilan sombre du monde et nous alerte aussi sur notre rôle et notre propre situation.
Quand on écoute attentivement son message, on se rend compte qu'avec sa voix douce, il nous interpelle directement, en tentant à sa façon de nous mettre en garde : "Le temps court pour tout le monde, pas seulement pour les Tibétains. Aujourd’hui, la France se porte bien, elle est libre. Mais demain, s'il y a plus de dictatures, si des régimes dictatoriaux deviennent plus puissants dans le monde, alors cela pourra avoir un impact chez vous aussi." Le Président des Tibétains rappelle d'ailleurs que ce sont les Occidentaux qui ont nourri le dragon chinois et que, par conséquent, ils ont une responsabilité dans le fait qu'il ne dévore pas l'humanité.
Puis, pour terminer sur une note d'espoir, Penpa Tsering souligne que l'âme du Tibet reste en vie malgré toute la puissance destructrice chinoise : "L’âme des Tibétains est toujours très en vie. C’est pour cela que les Chinois continuent de nous étrangler. Si cette âme était morte, cela n’aurait pas de sens de continuer à nous oppresser."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.